dimanche 28 décembre 2014

Miroslav Sekulic-Struja, un auteur de BD fantastique à découvrir

Par hasard, mais alors vraiment par hasard, j'ai ouvert l'album "PELOTE dans la fumée" de Miroslav Sekulic-Struja. Je ne sais pas par quelle force j'ai été amenée à saisir et regarder cette BD ! Une couverture sombre, des personnages aux faciès patibulaires et grossiers, un auteur totalement inconnu (en tout cas pour moi), rien d'engageant... à première vue. ET POURTANT ! Dès l'ouverture de l'album, dès les premières pages feuilletées, BOUM ! LE CHOC ! Les couleurs, les détails, les regards, les expressions, tout le talent de l'auteur vous éclabousse... à première vue.

Installée tranquillement, je me délecte et dévore ma fabuleuse découverte. "PELOTE dans la fumée" est le premier album d'un diptyque. L'été et l'automne sont les saisons de ce tome. Elles suivent la vie d'un orphelinat durant la guerre en ex-Yougoslavie. L'abandon, la brutalité, la crasse, les larcins, la camaraderie, les gangs et les bagarres.

Couverture de l'album "Pelote dans la fumée" tome 1

Le personnage central, Ibro, dit Pelote est un adolescent issu des bidonvilles, qui passe ses journées à inhaler de la colle pour oublier sa triste vie sans avenir. Son père quitte la maison.
Le père s'enfermait de plus en plus dans son bureau, où il s'arrachait les cheveux. Puis un jour... "Je reviens tout de suite. J'ai juste une course à faire"... Puis il remit sa casquette en place posa un baiser sur le front de Pelote et empoigna sa valise.

Le père parti, la mère de Pelote se retrouve seule avec ses deux enfants restants. Leur taudis qui faisait office de maison, s'écroule les laissant à la rue. "Il n'y a pas si longtemps, ils étaient six dans cette baraque. Ils n'avaient qu'un seul lit déglingué... Mais, comme par miracle, ils savaient tous s'y serrer comme des souris." 
Et les rêves ? Les rêves entraient alors par les fenêtres aux carreaux cassés, accompagnés du clair de la lune et de l'odeur des pains de la boulangerie voisine et se mettaient à tournoyer autour de leurs têtes et le grognement de leurs ventres ne partait qu'avec les premières sirènes des bateaux du matin". Pelote et sa soeur, surnommée Sandale, trouvent refuge dans un orphelinat et c'est une nouvelle "vie" qui commence...

Les dessins sont fantastiques ! Non, "PELOTE dans la fumée", n'est pas une BD noire ! Les couleurs éclatantes sont présentes tout au long de l'album. Miroslav Sekulic-Struja apporte une attention très pointue aux détails. J'aime sa manière de composer de grandes planches sur deux pages. Ses dessins sont de véritables fresques sur lesquelles on passe des heures, sans lassitude, à décrypter les particularités infinies. Sur la page suivante (illustration à droite ci-dessous), on découvre en gros plan les détails non perceptibles sur la page précédente.

Page de droite d'une double page.

Focus sur les détails de la page précédente.


Rien que pour le plaisir des yeux, deux planches de plus !



Pardon pour la médiocrité des photos, elles ne rendent vraiment pas hommage au talent de l'auteur. mais elles contribuent au moins à mettre son travail en lumière.

Mais au fait qui est-il ? Qui est Miroslav Sekulic-Struja ? J'ai cherché à savoir, j'ai enquêté et n'ai... pas trouvé grand chose. Un site Web du dessinateur existe... en Croate. Pour ce qui est du site de l'éditeur Actes Sud c'est un excellent modèle d'anti-professionnalisme ! Figurez-vous qu'en faisant une recherche patronymique sur l'auteur, la requête affiche "pas de résultats" ! Ainsi, Miroslav Sekulic-Struja, n'est même pas référencé sur le site de son éditeur ! Alors, pour une fiche de présentation on repassera (ou pas). Les éditeurs font du "papier" pas du "Web" me direz-vous...

Alors, le mieux est de vous précipiter chez votre libraire préféré, à la bibliothèque de votre quartier, ou encore sur Amazon. Après vérification, la BD y est bien référencée avec une présentation de l'auteur de surcroît !
Merci qui ?

jeudi 18 décembre 2014

"13 à table !", le livre au profit des Restos du Coeur. Remplissez-en la hotte du Père Noël !

"13 à table !" est la très heureuse initiative de la fin d'année du monde de l'édition. Ce sont 13 nouvelles écrites par des auteurs français, parmi lesquels Maxime Chattam, Gilles Legardinier, Marc LevyGuillaume Musso, Tatiana de Rosnay, Franck ThilliezBernard Werber, etc. Pour chaque livre acheté 5 euros, 3 repas seront distribués dans les centres d'accueil des Restaurants du Coeur.

Ces 13 nouvelles se picorent, se dégustent voire se dévorent ! Il y a les bons élèves qui respectent scrupuleusement la consigne qui était de composer une histoire courte autour d'un thème commun  : le repas. Puis, il y a les autres. Ceux qui font un peu ce qu'ils veulent, qui sont un peu hors sujet... Qu'importe ! Leur participation est là, et c'est bien l'essentiel !

Plusieurs nouvelles sont excellentes. Cependant, j'en ai plus particulièrement apprécié deux.

J'ai adoré "La part de Reine", le texte pétri d'humanité et d'intelligence d'Eric-Emmanuel Schmitt. Clovis le clochard, après avoir supporté des semaines durant lesquelles la charité se faisait plus rare, se confie sur l'attitude de sa chienne Reine.
" - Alors tu vois, mon garçon, je me suis aperçu qu'un être humain aurait été incapable d'une telle douceur. Un homme aurait protesté, un homme m'aurait attaqué, un homme m'aurait volé. Pas elle. Dans ses yeux marron, il y avait le malheur d'avoir faim mais ni haine, ni désaveu, toujours ce même amour, cette absolue fidélité. Et ce n'est qu'une chienne, disais-tu ?" (page 227)

A croquer aussi, "Une initiative" de Pierre Lemaitre, très drôle et touchante. Voilà un vieil homme veuf, de 81 ans, en pleine forme vivant seul qui, pris dans le feu de l'action, raccroche son téléphone après avoir invité 6 convives ! Une fois l'euphorie retombée, il réalise sa bourde et se demande bien comment il va pouvoir organiser un tel banquet. L'apéritif, l'entrée, le plat, le fromage, le dessert, les vins... Le voilà pris !
A acheter dans toutes les bonnes librairies pour 5 euros.


Pas encore tout à fait convaincu ? Je peux vous donner 3 bonnes raisons supplémentaires d'acheter, de lire et/ou d'offrir "13 à table !"
  • Imaginez que vous soyez nommé Ministre de la Culture de l'une des toutes premières puissances mondiales. Si vous ne voulez pas passer pour un incompétent doublé d'un inculte, vous devez absolument lire les auteurs les plus médiatiques. Malheureux ! Ne comptez pas sur votre Directeur de Cabinet, il se pourrait fort bien qu'il soit aussi ignare que vous. Je divague, je divague...
  • C'est le cadeau idoine à offrir si vous êtes un peu grippe-sou ! Notez bien que pour un investissement très modique de 5 euros vous passerez pour un ami généreux voire le philanthrope du siècle (bon, limitons nous à la décennie). 
  • Pour lire et découvrir des auteurs apparemment très connus pour les autres et très méconnus pour vous ! J'avoue avec une honnête honte que pour ma part je n'avais jamais rien lu d'Agnès Ledig, de Françoise Bourdin ou encore d'Alexandra Lapierre. Je ne savais d'ailleurs pas plus que Jean-Marie Périer écrivait... Oups. Oh, la, la, mais je réalise subitement que tous les espoirs me sont permis : je pourrais être nommée Ministre de la Culture !
Trêve de plaisanterie. Ceci est une affaire sérieuse. N'attendez pas d'avoir une ou des bonne(s) raison(s) pour améliorer la vie des gens autour de vous, achetez "13 à table !"

Cliquez ici pour en savoir plus sur les nombreuses actions menées par les Restaurants du Coeur.

jeudi 11 décembre 2014

"Agatha Doyle au service de sa Majesté", une petite qui va faire parler d'elle...

Trop jeune pour lire le "Chien des Baskerville" ou "Le crime de l'Orient-Express" ? Patientez en lisant "Agatha Doyle au service de sa Majesté" de Caroline Triaureau, paru chez Naïve livres.

Ici, ce ne sont pas les Quat'zamis mais les trois ! Trois amis inséparables. Tout d'abord Agatha Doyle, "Longue ficelle blonde aux joues tachées de rousseur... débordante de joie de vivre, toujours fourrée dans les coups fumants" (page 14). Puis Hercule, "Lui, le petit gros au flegme plutôt britannique, était bien loin des images musclées et "haltérophilisées", comme il se plaisait à le dire, du héros grec". (page 14) Et enfin, Sherlock, "Sherlock était le sportif du trio ; fin et élancé, il possédait un don pour la course, l'uppercut droit et le déguisement". (page 15) Les présentations faites, entrons dans le vif du sujet...

"Agatha Doyle" est paru chez Naïve Livres

Notre trio part en voyage de classe à Londres. Sévèrement chaperonnés par leur professeure d'anglais la bien nommée Miss Marple, alias la "vieille bique", les trois compères vont se retrouver au centre de l'horrible vol du Traité d'indépendance de l'Irlande. "Pendant que leur professeure adorée les emmenait vers Vincent Square, quelques rues derrière Westminster Abbey, ils réfléchissaient. Les relations entre la Grande-Bretagne et l'Irlande avaient toujours été très tendues. La crise financière et économique frappant l'Irlande de plein fouet depuis 2008 fragilisait leurs relations politiques et diplomatiques. D'où l'importance d'honorer le traité de Londres en l'exposant en un lieu emblématique, et en célébrant sa quatre-vingt-onzième année. Son vol risquait de raviver les tensions voire provoquer une nouvelle course au pouvoir". (page 64) Les trois amis, aidés d'un prince de la famille royale, vont déjouer les vils desseins d'un irlandais rancunier.
- Vous m'avez démasqué, jeune homme, s'inclina * Il vous reste à savoir pourquoi... Pourquoi ?
Comme il se doit, Agatha, Sherlock et Hercule ne manqueront pas de serrer la paluche de la Reine en remerciement des bons et loyaux services rendus à la Couronne...
* je ne vais tout de même pas vous livrer son nom !

J'ai apprécié "Agatha Doyle au service de la Majesté", pour plusieurs raisons :
  • Pour le bon équilibre entre intrigue policière et grande Histoire. Ainsi, les jeunes lecteurs peuvent à la fois se distraire et découvrir des aspects historiques méconnus d'une manière plaisante.
  • C'est aussi une façon d'initier le jeune public aux livres des fameux Arthur Conan Doyle et Agatha Christie.
  • La fin du livre réserve quelques pages consacrées à une "Petite visite guidée de Londres" et une brève histoire qui relate la domination de l'Angleterre sur toute l'île en 1494, jusqu'à l'indépendante de l'Irlande en 1949. Un résumé synthétique très bien fait.
  • Le livre est illustré avec des plans de la ville et de l'Abbaye de Westminster qui permettent de se repérer dans l'intrigue.
  • Le texte est truffé d'expressions anglaises usuelles. Bon, on oubliera en vitesse le sempiternel "My God de merde !" d'Agatha...

D'ailleurs, j'imaginerais très bien une série "Agatha Doyle"...

Ce n'est pas encore tout à fait Noël mais le Père Noël est déjà au travail... Si ce billet vous a plu et que vous connaissez un enfant à qui ce livre plairait, adressez-moi un email, je vous l'offrirai avec plaisir.

samedi 6 décembre 2014

Vous avez dit Kamishibaï ? Quésaco ? Les "Comptines du pousse-pousse" dévoilent tout !

Le Salon du Livre de la Jeunesse de Montreuil est souvent l'occasion de découvrir des activités méconnues voire inconnues autour du livre, de s'informer sur les nouveautés, de faire de belles rencontres (normal puisque les gens qui y déambulent sont des aficionados purs et durs !)...

Cette année encore ma journée a été très riche... Parmi les agréables surprises du jour, mon entrevue avec Hélène Bazin des "Comptines du pousse-pousse". Hélène est une charmante et talentueuse artiste qui propose des lectures de contes pour les enfants de 2 à 5 ans. Jusqu'ici vous vous dites "Bon d'accord, c'est bien gentil mais c'est pas nouveau !" Eh, bien détrompez-vous ! Hélène réinvente la lecture du conte en utilisant une technique japonaise ancestrale : le Kamishibaï. Vous faites moins les malins d'un coup ! Ma conteuse a eu la gentillesse de bien vouloir se prêter au jeu des questions/réponses pour éclairer mon ignorance. Portrait.

Votre discipline est des plus mystérieuses ! Qu'est-ce que le Kamishibaï ?
Le Kamishibaï est une lointaine technique japonaise pour conter basée sur des images défilant au milieu d'un petit castelet en bois peint. Cela signifie "théâtre de papier". C'est un outil pédagogique d'une grande richesse, qui favorise l'ouverture vers le langage et la communication et procure aux enfants des moments riches en émotion.

Sous quelle forme se présente cette technique ?
A l'intérieur d'un castelet en bois, je fais défiler des planches illustrées tout en racontant l'histoire. Je crée et illustre moi-même mes propres contes et je façonne des marionnettes que j'intègres à mes contes.
Castelet avec planches illustrées. © Hélène Bazin


Planche illustrée par la conteuse Hélène. © Hélène Bazin

Hélène est souriante avec à la fois un mélange de douceur et de dynamisme.

Quel est votre parcours ? Comment devient-on "conteuse" ?
Je suis éducatrice de jeunes enfants, diplômée des Beaux-Arts. Dans le cadre de mon travail, j'ai beaucoup raconté aux enfants : j'aime donner vie aux différents personnages d'une histoire, en prenant des voix, des accents, des tonalités différentes, selon les caractères de chacun. J'ai eu la chance de participer à des stages de grande qualité sur le thème du conte avec «Enfance et Musique». Par ailleurs, en tant que plasticienne, j'ai toujours dessiné, illustré, modelé...

Quelles attitudes les enfants adoptent-ils lors de la lecture d'un conte ?
Petite anecdote encourageante et très agréable pour moi : Au cours d'une de mes représentations, l'histoire que je racontais était ponctuée d'exclamations de surprise, d'émerveillement, de plaisir, des enfants qui m'écoutaient.

Concrètement comment se déroule une séance avec les enfants ?
Les enfants se posent, deviennent très attentifs et dans le calme l'histoire commence... Ce sont de petits spectacles ambulants et autonomes. Chaque histoire dure environ 15 minutes et est composée d'une douzaine d'illustrations. Chaque séance accueille environ une vingtaine d'enfants. Actuellement 3 contes sont disponibles.

Mais au fait, pourquoi ce nom "Les comptines du pousse-pousse" ?
Je me suis appelée « Les comptines du pousse-pousse » car, il s'agissait autrefois de troubadours japonais, qui poussaient leur vélo de villages en villages avec leur castelet dessus, pour faire des représentations aux villageois.

Les couleurs, les traits, les expressions... © Hélène Bazin

j'adore ses dessins ! © Hélène Bazin

Je pense que c'est une excellente manière d'aborder la lecture, de susciter et de développer l'intérêt et le goût des livres et des histoires chez les enfantsHélène Bazin intervient dans les librairies, les médiathèques, bibliothèques, crèches, jardins d'enfants, écoles maternelles, hôpitaux...

Je passerais des heures à vous parler des nombreuses activités d'Hélène (notamment l'atelier de création de marionnettes...) Afin de poursuivre ce premier échange avec elle, n'hésitez pas à lui adresser un email, elle se fera un plaisir de tout vous expliquer en détail !

mercredi 3 décembre 2014

Agatha Christie, la reine du crime se dévoile...

Je poursuis mes lectures sur la romancière Agatha Christie... Agatha a écrit deux livres de souvenirs. Le premier est paru en 1946 sous le titre "Come, Tell Me How You Live". Il faudra attendre 1978 pour qu'il paraisse en français, sous le nom "Dis-moi comment tu vis". Il sera réédité en 2005 sous le titre "La romancière et l'archéologue" aux Editions Payot & Rivages.

Agatha se moque bien de la chronologie des événements ! Ainsi, cet ouvrage relate ses aventures au Moyen-Orient durant les fouilles menées par son second mari, l'archéologue britannique, Max Mallowan. Donc, à l'époque de la rédaction de ce premier livre consacré à ses mémoires, elle est déjà une auteure reconnue mariée pour la seconde fois...

Personnage secret Agatha livre peu voire rien d'elle-même. On devine une femme de caractère terriblement drôle, pleine d'esprit, d'entrain et d'autodérision. Elle déborde de ses vêtements et considère son embonpoint avec une totale désinvolture. Agatha est douée pour le bonheur. Elle affiche une bonne humeur communicative et un réel optimisme face à toutes les situations.

"... A peine avons-nous éteint les lampes que des hordes de souris - je crois vraiment qu'il y en a des centaines - émergent de leurs trous creusés dans les murs et le sol. Elles se mettent à courir gaiement sous nos lits tous en couinant. Des souris qui vous trottent sur le visage, des souris qui vous tirent les cheveux, des souris, des souris, DES SOURIS ! (page 116)
Une fois la surprise passée de cette première nuit, Agatha adoptera une amie...  "J'ai même éprouvé une certaine tendresse pour une intruse fidèle au rendez-vous baptisée affectueusement Elsie". (Page 116)
Format poche, paru chez Payot, collection Voyageurs


Elle mène une vie de voyages au gré des fouilles de son mari en Syrie, en Iraq... "La romancière et l'archéologue" est une invitation au voyage, à remonter le temps. Heureux temps où le train était mythique... En 1930, alors qu'elle voyageait à bord de l'Orient-Express, pensait-elle déjà, qu'il lui inspirerait quatre ans plus tard, une de ses plus fameuses intrigues ?

"Enfin, après sept heures de chaleur, de monotonie et de paysages désertiques. Palmyre ! Selon moi, tout le charme de Palmyre réside dans cette beauté étrange qui surgit d'une manière féerique en plein désert. C'est un lieu irrésistible, singulier et incroyable, qui porte en lui toute l'invraisemblance théâtrale d'un rêve. Cours, temples, colonnes en ruine...
Je ne sais toujours pas aujourd'hui ce que je pense vraiment de Palmyre. Elle a gardé pour moi l'irréalité de cette première découverte. J'avais mal à la tête et aux yeux, et mon état ne faisait qu'accentuer cette impression d'hallucination fiévreuses ! Ce n'était pas, ce ne pouvait pas être vrai..." (page 52)
Palmyre, la palmeraie et le temple de Bel © Christophe Lurie
Ce n'est pas un récit narcissique. Au contraire, on perçoit toute la difficulté que ressent Agatha Christie à se livrer. Elle emploie le "nous", le "on" mais rarement le "je" afin de pas trop s'impliquer, de rester en retrait même de sa propre vie. Certains pourraient croire qu'il s'agit là d'un calcul. Je pense au contraire que cette attitude est un héritage de son éducation victorienne.

"Une vieille femme s'approche d'Hamoudi ; elle tient par la main un garçon d'une douzaine d'années.
- Le khwaja a-t-il des médicaments ?
- Il y en a quelques-uns. Pourquoi ?
- En donnerait-il à mon fils ?
- De quoi souffre t-il ?
Hamoudi aurait presque pu se passer de poser la question. Nous avons clairement affaire à un déficient mental. Hamoudi hoche la tête tristement mais répond qu'il va demander au khwaja.
... La femme et l'enfant s'approchent de Max. Ce dernier observe l'enfant et se retourne doucement vers sa mère.
- Ton fils est ainsi par la volonté d'Allah, lui dit-il. Je ne peux lui donner aucun médicament".
La femme soupire. Je crois voir rouler une larme le long de sa joue. Puis elle dit, prosaïque :
"Alors, khwaja, me donneras-tu du poison ? Il vaut mieux qu'il meure".
Max répond doucement qu'il ne le peut pas non plus. Elle le dévisage sans comprendre puis secoue la tête furieusement et s'éloigne avec son fils". (page 104)

"Pour nous autres Occidentaux qui attachons la plus grand importance à la vie, il est difficile d'adapter notre psychologie à des échelles de valeurs aussi différentes. Néanmoins, pour un esprit oriental, c'est aussi simple que ça. La mort est inévitable, elle est aussi inéluctable que la naissance ; qu'elle survienne en pleine jeunesse ou à un âge avancé ne dépend que d'Allah. Et cette croyance, cette acceptation abolit ce qui est devenu la malédiction de notre monde actuel : l'angoisse. La liberté ne découle peut-être pas de la misère, mais il existe certainement une liberté liée à l'absence de peur. Et l'oisiveté est un état naturel et béni, le travail, une nécessité contraire à la nature". (Page 143).

Agatha à Changar Bazar - © British Museum

Agatha est intelligente, pudique, réservée, sensible aux autres, ouverte et respectueuse des traditions d'autrui.

"La romancière et l'archéologue" est un petit livre de 300 pages qui ouvre une petite lucarne sur cette femme secrète. Agatha ne dit que ce qu'elle veut ! Je suis piquée au vif et j'ai une furieuse envie d'en savoir plus ! J'entame très vite son autobiographie de presque 1 000 pages. Se montrera t-elle plus prolixe ? Je ne sais pas. Je suis seulement certaine d'une chose : je passerai un délicieux moment en compagnie de la reine du crime.

mardi 25 novembre 2014

Avec Bibliothèques Sans Frontières, débarrassez-vous de vos livres en faisant une BONNE ACTION

La rentrée littéraire est passée laissant des kilos de papier stockés sur vos étagères qui débordent dangereusement. Noël arrive et vous allez encore crouler sous les livres... Le moment est peut-être venu d'entreprendre un petit régime minceur, une diète salutaire voire de recourir à une sévère "liposuccion livresque" pour les cas les plus désespérés... Je vais vous y aider moi, à perdre tous ces abominables kilos de papier !

Et pour cela, je ne vais rien vous vendre ! En fait, vous allez juste vous libérer en faisant une bonne action avec Bibliothèques Sans Frontières. C'est la principale ONG qui vient en appui aux bibliothèques dans le monde francophone. Vous comprenez que vos livres seront les bienvenus !


Bibliothèques Sans Frontières collecte chaque année près de 100 000 ouvrages auprès de bibliothèques, d’institutions et d’entreprises. Mais pour permettre à BSF de proposer à ses bibliothèques partenaires un choix de livres aussi large que possible, BSF récupère aussi les livres des particuliers comme vous et moi. L'organisation a mis en place le projet « Aux livres citoyens ! » afin d’établir un maillage de boites de collecte de livres, en partenariat avec la Mairie de Paris et les mairies d'arrondissement.

Si vous souhaitez faire don de vos livres et les voir rejoindre les bibliothèques du monde entier (Europe, Afrique, Asie...), suivez le mode d'emploi ci-dessous. C'est très simple ! Tout tous les cas ont été prévus.

Si vous êtes à Paris ou en proche banlieue, vous pouvez déposer vos livres dans les points de collecte. La liste est ici.
Si vous habitez hors région parisienne, adressez un email ou appelez le 01.43.25.75.61 (de 10h à 17h du lundi au vendredi), pour connaître la date de la prochaine collecte nationale de Bibliothèques Sans Frontières.

Pour ces deux options, avant de déposer vos livres dans un lieu de collecte choisi, remplissez ce formulaire en ligne, afin d'enregistrer votre dépôt.

Le service "plus-plus"
Si vous êtes en région parisienne hors départements 77, 91 et 95, les équipes logistiques de BSF peuvent venir chercher les livres chez vous ! Ce déplacement se fait dans une limite de 10 cartons de livres. Si cette option vous intéresse, remplissez ce formulaire d'enlèvement en ligne. et vos petits livres chéris partiront dans les 3 semaines suivantes...

Avant de donner vos livres, quelques consignes à observer :
  • Ne donnez pas de livres annotés (personne n'a besoin de lire vos remarques si pertinentes soient-elles !)
  • Veillez à ce que vos livres n'aient pas de pages déchirés (il peut être frustrant de ne pas pouvoir lire les pages les plus croustillantes !)
  • Assurez-vous qu'ils aient bien un code ISBN ou un code barre (à moins qu'ils soient issus de la bibliothèque de l'arrière grand-père, ils doivent normalement en avoir un...)
Ne donnez pas :
  • de manuels scolaires (trop barbants... on préfère les BD et les romans !)
  • de guides touristiques (les infos changent, changent... on arrive et l'hôtel est fermé depuis 2 ans !)
  • d'ouvrage de prosélytisme religieux (ouille, ça brûle !)
  • d'ouvrage de droit de plus de 3 ans (il serait dommage d'apprendre un code civil périmé !)
  • d'ouvrages scientifiques de plus de 10 ans (sauf ouvrages de références).

Vous avez à présent toutes les cartes en main pour vous y mettre. Bons cartons !

Pour tout connaître des programmes (la Khan Academy, les Voyageurs du code, Ideas Box...), et pourquoi pas devenir bénévole* ? toutes les infos sur Bibliothèques Sans Frontières ici.
Le designer Philippe Starck à conçu l'Ideas Box

Projet formidable dont il faut absolument que je vous parle... 

* Vous rencontrerez des gens engagés et très sympathiques !

vendredi 21 novembre 2014

Prix littéraires : faites-votre choix... ou pas !

C'est tout chaud, c'est de ce matin ! Extrait du journal Le Parisien, cet article de Pierre Vasseur peut vous aider à vous y retrouver dans la jungle des prix littéraires de la rentrée. Le journaliste dresse un classement succinct des livres récompensés en trois catégories, simples et efficaces, "formidable", "pas mal" et "bof".

Si vous suivez cette saga littéraire annuelle ce classement peut vous intéresser. Cela tombe à point nommé, car il est pour vous amis lecteur ! Pour ma part, n'étant pas fan des livres labellisés comme des saucisses de Morteau ou autre jambon de Bayonne, je préfère renifler de-ci de-là, dans les librairies (physiques ou numériques), mes propres pépites et (re)découvrir un auteur, sans que la mode du moment ne m'impose un choix.

Ceci dit, "Charlotte" de David Foenkinos, Renaudot et Goncourt des lycéens, me fait de l'oeil déjà depuis plusieurs mois. Cependant, je vais sagement attendre que l'engouement collectif né de la surexposition médiatique s'estompe avant d'y goûter...

Article du Parisien du vendredi 21 novembre 2014

lundi 17 novembre 2014

"L'incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage" d'Haruki Murakami est tout sauf incolore !

Les livres d'Haruki Murakami sont des photographies de la société japonaise. Avec son dernier roman "L'incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage", paru aux éditions Belfond, l'auteur explore des thèmes très intimes que sont la jalousie, l'amour, la solitude et la renonciation.

"L'incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage" conte l'histoire de cinq amis d'école inséparables (trois garçons et deux filles).

"Pourtant, le hasard avait voulu que Tsukuru Tazaki se distingue légèrement sur un point : son patronyme ne comportait pas de couleur. Les deux garçons s'appelaient Akamatsu - Pin rouge -, Omi - Mer bleue -, et les deux filles, respectivement Shirane - Racine blanche - et Kurono - Champ noir". (page 13)

Livre paru aux éditions Belfond
Alors que quatre de ses amis demeurent à Nagoya, Tsukuru part poursuivre ses études à Tokyo. De retour dans sa ville lors de congés, ses amis lui signifient clairement et sans aucune explication qu'ils ne veulent plus avoir aucun contact avec lui !

"Désolé, mais nous ne voulons plus que tu nous téléphones désormais", déclara Bleu. Aucune formule de politesse préalable. Ni : "Allo, c'est toi ?", ni : "Tu vas bien ?" ni encore "Ca fait longtemps !" "Désolé" fut sa seule marque de civilité.
Tsukuru prit une inspiration et se répéta mentalement les mots de Bleu, tentant de déceler une émotion dans les intonations de son ami...
"Si vous refusez tous que je vous appelle, eh bien, évidemment, je ne le ferai plus", répondit Tsukuru. (Page 40)

Résigné Tsukuru cesse de les rappeler et s'enferme peu à peu dans une solitude qui le ronge et qui le tue. Il continue sa vie et devient architecte ferroviaire.
Et puis Sara entre dans sa vie. Elle va sentir une faille en Tsukuru et va l'aider à aller de l'avant, à affronter ses angoisses pour apprendre à revivre.

"Tu dois regarder ton passé en face comme l'excellent professionnel que tu es à présent, non plus comme un jeune homme naïf et vulnérable. Il ne s'agit pas de voir ce que tu veux voir, mais de voir ce que tu dois voir. Sinon, tu passeras ta vie présente et future à trimballer des bagages trop lourds à porter. Alors, je t'en prie, dis-moi le nom de tes quatre amis. Et je vais chercher où ils se trouvent et ce qu'ils font". (Page 116)

Dès lors, muni des adresses de ces anciens camarades, Tsukuru part à leur recherche pour percer le secret de leur silence. Il retournera dans la ville de sa jeunesse, puis s'envolera pour la Finlande. Au cours de ses investigations et de son pèlerinage, il découvrira des amis bien changés et surtout sera confronté à une nouvelle effroyable... que je vous laisse découvrir.

L'écriture d'Haruki Murakami est le reflet de la société japonaise. Une philosophie qui nous échappe un peu à nous européens. Un peuple qui semble pouvoir traverser les pires tragédies en gardant toujours le contrôle de tout. Le contrôle des émotions, de la parole, des sentiments, des gestes...

Post Fukushima, un documentaire avait été diffusé sur Arte. On suivait le quotidien d'un couple d'agriculteurs resté dans leur ferme contaminée, où l'eau du puits était aussi impropre à la consommation, bien-sûr. Suite à ce drame leur vie était devenue extrêmement difficile (plus de vente de légumes, donc plus de ressources) et précaire d'un point de vue sanitaire (risque élevé de développer des cancers).
(c) 2011 Iván Giménez - Tusquets Editores


Face à une telle situation insoluble, d'autres peuples se seraient révoltés, s'en seraient pris à la direction de la centrale ou au gouvernement. Eux non. Ils étaient (ou semblaient) résignés à subir leur sort sans proférer aucune plainte. Si créatrice, si vivante, si pleine d'énergie et de volonté et à la fois si calme et prête à endosser toutes les tortures. Je trouve cette société nippone tout à fait fascinante !

Haruki Murakami sait toucher droit au coeur, son écriture est simple, dépouillée, sans fioriture, sans excès. Nous terminerons par ce joli passage sur la jalousie.

"La jalousie, du moins telle que Tsukuru l'avait conçue dans son rêve, est la prison la plus désespérée du monde. Parce que c'est la geôle dans laquelle le prisonnier s'enferme lui-même. Personne ne le force à y entrer. Il y pénètre de son pleine gré, verrouille la porte de l'intérieur puis jette la clé de l'autre côté de la grille. Personne ne sait qu'il s'est lui-même emprisonné. Bien entendu, si le captif décidait d'en sortir, il le pourrait. Parce que cette prison se situe dans son coeur. Mais il est incapable de prendre cette décision. Son coeur est aussi solide et dur qu'un mur de pierre. Telle est la véritable nature de la jalousie". (Page 55)

mardi 11 novembre 2014

"Le fils de la maîtresse de Pétain", un excellent roman à découvrir

Contrairement à ce que beaucoup (trop) de lecteurs pensent encore, la qualité d'un livre ne dépend pas de son support ! Qu'il soit papier ou numérique, le pire comme le meilleur existe... Aujourd'hui, c'est votre jour de chance, je partage avec vous le meilleur ;-)

"Le fils de la maîtresse de Pétain", écrit par Hervé Torchet et paru aux éditions Numeriklire.net, est la démonstration parfaite qu'un livre numérique peut être d'une grande qualité littéraire.

Cet excellent roman, basé sur une histoire vraie, nous plonge dans les sombres années de l'Occupation et même avant. Du temps où le nom de Philippe Pétain était synonyme de libération et pas encore de collaboration.

Marthe Ravel est l'épouse d'un éminent chirurgien breton qui s'ennuie ferme dans sa province. Elle est aussi celle qui sera la plus durable maîtresse de Pétain.

"Elle a trente-trois ans, et s'effraie de voir sa beauté se faner déjà, et son éclat se ternir avec elle. Elle dorloterait bien ses bambins qui l'adorent, mais cela ne se fait pas ou ne suffit pas. La tendresse doit venir d'ailleurs. Et voilà qu'en cette année 1907, un nouveau colonel est nommé à la tête de la garnison.
Ce colonel, c'est Pétain.
Jean ne sait pas exactement quand il a compris que Pétain était devenu l'amant de sa mère et l'ami de son père".

Son fils, Jean Ravel, devient un haut fonctionnaire du Quai d'Orsay sur lequel le héros de Verdun a toujours posé une main bienfaitrice. Cependant, le temps des choix est venu...

"Il sait aussi la question que Berlioz ne pose pas, mais qui le taraude : et si lui, Ravel, trahissait l'homme à qui il doit tant ? Peut-il renoncer à Pétain si facilement ? Joue-t-il franc-jeu ? La France, oui, certes, mais l'amitié, la reconnaissance, la dette d'honneur". 
Livre paru aux éditions Numériklire.net


Tiraillé entre sa reconnaissance et son amitié pour l'amant de sa mère, Jean Ravel penchera sans équivoque pour le camp Gaulliste et rejoindra Alger.

"Mais le privilège du Maréchal continue et la micheline remonte paisiblement la France du sud au nord sans que l'occupant y mette son nez, ce qui arrange bien Jean, dont la serviette est gonflée de documents confidentiels et de messages codés. Que la mécanique se grippe un seul instant, que le parapluie se ferme, et il passera aussitôt du confort relatif du pouvoir vichyssois au verdict implacable du peloton d'exécution, en admettant même qu'il ait la chance d'éviter le transit par les bas-fonds de la torture".

Au travers de la voix de Jean Ravel, aussi poète, ce livre explique avec une infinie sensibilité la difficulté à faire des choix. "Le fils de la maîtresse de Pétain" est un vibrant hommage à ces femmes et à ces hommes de l'ombre, pour la plupart, qui ont risqué leur vie et décidé de suivre des chemins dangereux pour la Liberté.

C'est un roman intelligent et bien écrit, qui pousse à la réflexion... 

"Oui, décidément, que n'est-il mort avant l'infamie de Munich, on lui édifierait des statues dans tous les villages, au lieu de quoi il sert l'Allemagne et son image encourage les Français à collaborer avec l'occupant, et il tolère que l'on arrête des enfants juifs jusque dans la propre ville où il a établi ses quartiers. A-t-il fait le tri entre les juifs et les autres, dans la tranchée de Verdun ? Bien sûr que non. Mais alors, il était encore Pétain, l'homme à la légende, un mythe qui, dans quelques mois, quand les Alliés auront renvoyé les folies de Berlin dans les soupiraux des bas-fonds de l'Histoire, aura disparu à tout jamais sous la souillure de la collaboration. Alors, surtout il était l'amant de ma mère."

A télécharger d'urgence ici pour le format epub et pour le Kindle c'est ici.

mercredi 5 novembre 2014

"Miss Mackenzie" d'Anthony Trollope : un classique pas barbant pour 2 sous !

J'entends d'ici certains internautes penser "Pouah du classique !" Ne fuyez pas tout de suite. Certes, "Miss Mackenzie" est à classer dans le rayon "Littérature classique". Mais ce n'est pas inéluctablement synonyme de barbant. Anthony Trollope démontre à la perfection que l'on peut associer à un style très académique une plume alerte. Rien de pompeux ou de lourd ici, d'ailleurs si vous n'appréciez pas spécialement le classique "Miss Mackenzie" participera à vous faire changer d'avis tant elle sait se montrer persuasive et finaude !

Dans la collection Le Livre de Poche

Par les fruits du hasard Miss Mackenzie, que rien ne destinait à un bel avenir (c'est-à-dire à un "beau" mariage assorti d'une belle dote), va être propulsée à la tête d'un coquet héritage. Vous imaginez, sans difficulté, que dès lors notre vieille fille va se retrouver au centre des regards et des attentions, pour certains pas très innocents. Comment cette trentenaire, avec laquelle la vie n'a jamais été douce, va t-elle réussir à naviguer dans une mer infestée de requins-canailles davantage attirés par ses sous que par ses charmes naturels ?

Les prétendants grouillent dans la mare au mariage ! John Ball, son cousin, veuf, père de famille nombreuse et un peu mou du genou, le séduisant et inquiétant Samuel Rubb associé de son frère ou encore le révérend Maguire affublé d'un oeil affreux. La fortune aidant, Miss Mackenzie change elle aussi... Autrefois moins regardante sur les qualités de son époux, elle scrute, elle détaille à présent avec plus de sévérité la moindre imperfection. Elle gagne aussi en grâce et en distinction. Bientôt son héritage va être remis en question. Celle que son entourage prenait pour une idiote, va se révéler maligne, intelligente et déterminée à pendre les bonnes décisions et son destin en main.

Ce livre est une très intéressante étude de mœurs de l'Angleterre victorienne doublée d'une analyse de la condition féminine.

A l'instar des grands auteurs britanniques tels que Wilkie Collins, William Makepeace ThackerayAnthony Trollope maîtrise l'art de l'intrigue et de la finesse psychologique des personnages. Il fait partie de ces auteurs dits "classiques" mais d'une modernité incomparable. Peut-être est-ce la raison pour laquelle ils ne passent jamais de mode...

Par ce temps frisquet, je vous le recommande chaudement !

mercredi 29 octobre 2014

"Meurtres en majuscules" signe le retour d'Hercule Poirot

Les fans d'Agatha Christie (dont je fais partie) ne peuvent résister à l'envie de se jeter sur "Meurtres en majuscules", paru en août 2014 aux Editions du Masque. Il ne s'agit pas d'un manuscrit secret de la célèbre romancière, mais du dernier roman à énigmes de Sophie Hannah.

En effet, la gageure de ressusciter Hercule Poirot a été confiée à cette auteure britannique. C'est d'ailleurs, la première fois que les héritiers de la reine du crime donnent carte blanche à un auteur pour redonner vie au détective belge. Dans le genre "mission impossible", on fait guère mieux... Le genre de gué-apens dans lequel on trébuche, voire on s'écrase lourdement, tant l'exercice est périlleux. C'est juste l'angle dans lequel il ne faut pas être, car tout le monde vous attend gentiment au tournant.

Alors, j'ai tenté d'aborder la lecture de "Meurtres en majuscules" sans idées préconçues et surtout pas avec un fataliste "bah, c'était mieux avant !"

Sophie Hannah, qui a déjà écrit huit thrillers psychologiques, n'est pas une débutante, et n'en est donc pas à son coup d'essai. Il n'en demeure pas moins que pour oser s'emparer des personnages d'Agatha sans risquer de les singer trop crûment il ne faut pas trembler dans ses chaussons !

Alors, de quoi parle "Meurtres en majuscules" ? Fatigué, Hercule Poirot compte bien prendre des vacances pour reposer, non pas ses pieds endoloris, mais bien ses petites cellules grises. Séjournant à Londres dans la même pension de famille que son ami Catchpool, jeune inspecteur à Scotland Yard, il se retrouve happé par une bien sombre affaire.

Trois personnes sont retrouvées assassinées dans trois chambres différentes de l'hôtel Bloxham. Les cadavres, deux femmes et un homme, ont été scrupuleusement allongés de manière identique. Dans la bouche de chacune des victimes, on retrouve un bouton de manchette en or, gravé des initiales PIJ.
Livre paru aux éditions du Masque


L'origine du drame conduit nos deux compères dans le village de Great Holling, dans le Devon (naturellement), où la malfaisance, les médisances et autres joyeusetés de la même veine ont le beau rôle...

Pour ce qui est de l'intrigue, elle est alambiquée (très, très), tordue (beaucoup), mais surtout l'énigme est fort bien construite. Sophie Hannah retombe habilement sur ses pieds. Notez bien : c'est un livre à lire à jeun, les yeux grands ouverts et avec l'attention en éveille au risque de vite perdre le fil (surtout à la fin lors du dénouement).

Les inconditionnels d'Agatha Christie retrouveront toutes les mimiques et les traits du caractère, disons-le, parfois insupportable de Poirot. Parmi lesquels une suffisance indécrottable et un manque total d'autodérision... qui font d'ailleurs tout son charme. N'oublions pas ses qualités, telles que l'attention qu'il prête aux petites gens, son sens de la justice et ses capacités légendaires de déduction. Du 100 % Poirot quoi !

Étonnement, plonger dans "Meurtres en majuscules" m'a surtout collé une furieuse envie de découvrir la romancière Agatha Christie, un personnage sûrement fascinant... Je vais m'enquérir de ce pas des livres parus sur le cas Agatha. Affaire à suivre...

vendredi 17 octobre 2014

Ces livres qui invitent au voyage...

Qu'elles soient passées ou futures, les vacances sont toujours un bon sujet d'actualité... et c'est tant mieux ! Passées, elles peuvent être synonyme de souvenirs inoubliables et de rencontres. Futures, elles sont l'espérance de vivre de bons moments, de goûter au farniente, de faire des découvertes, de profiter pleinement de son temps, de se sentir libre...

Nous aimerions tous immortalisés nos plus belles vacances. Nombreux sont celles et ceux qui réalisent des carnets de voyages. Au fil de mes pérégrinations, j'ai débusqué et sélectionné deux livres que je vous invite à découvrir sur le sujet : "L'Art du croquis urbain" de Gabriel Campanario et "Carnets de voyages" de Cécile Filliette. 

Livre paru aux éditions Eyrolles en 2011

Commençons par la première pépite (mon livre préféré à vrai dire...) "L'Art du croquis urbain", paru aux éditions Eyrolles, du journaliste et illustrateur espagnol Gabriel Campanario.

Cet ouvrage se situe entre le livre d'art et le livre pratique. Et si croquer était un remède contre l'anxiété ? "C'est seulement en m'installant à Seattle en 2006 que j'ai découvert le moyen de surmonter l'anxiété que m'inspire une terre nouvelle : je me suis mis à dessiner, sur un carnet de croquis, ce qui m'entourait". Evidemment tous les angoissés n'ont pas forcément le coup de crayon de Gabriel Campanario !

Si l'aventure vous tente de devenir un vrai Urban Sketchers, laissez-vous gagner par les conseils et les balades proposés par l'auteur.

La première partie du livre met bien en évidence la philosophie des dessinateurs urbains : le partage. Pour preuve, deux points de la charte de l'Urban Sketcher met l'accent sur cet impératif : "Nous nous soutenons, aidons, et encourageons les uns les autres et nous dessinons en groupe" et "Nous partageons nos dessins en ligne".


La deuxième partie du livre est consacrée à la présentation des plus célèbres mégapoles réparties sur les cinq continents comme Londres ou Séoul mais aussi à des villes plus modestes telles que Kandern en Allemagne, Davis en Californie. Pour chaque ville l'artiste explique le contexte, la technique, ses astuces et son ressenti.

On termine par un thème difficile : l'inspiration ! Où la trouver ? Comment l'appréhender ? Coment la mettre en scène ? Tous les lieux sont passés au crible : les toits, les paysages, les panoramas urbains, les bâtiments, l'architecture, les zones industrielles, les chantiers, les transports, les personnages en mouvement, les parcs, les musées... L'architecte belge Gérard Michel a passé plus de trente heures sur un toit pour dessiner une vue saisissante de la ville de Liège sur 360 degrés !

Quelques exemples...

de croquis extraits du livre.

Si vous souhaitez en apprendre davantage sur la communauté des dessinateurs urbains, c'est ici.

"Carnets de voyages" de Cécile Filliette, paru chez Dessain et Tolra, est un livre pratique. Il vous apprend à composer votre carnet de voyage, concevoir les différentes pages, sélectionner les matériels (papiers, encres, peintures...) Vous pouvez dessiner, certes, mais aussi intégrer des matières, coller, plier, détourner, calligraphier. C'est une vraie bible, bourrée d'idées, pour les novices !

Couverture du livre de Cécile Filliette

Un exemple de pages réalisées à l'aquarelle


De retour de périple, peut-être aurez-vous la chance de vous voir offrir un superbe album photo par vos compagnons de voyage... C'est aussi une solution à envisager lorsque l'on est pas doué de ses mimines. ;)

Merci Patu pour ce beau souvenir !


samedi 11 octobre 2014

"Devenir soi" ou les bons préceptes de Monsieur Attali

Après avoir été conseiller spécial auprès de François Mitterrand, Jacques Attali se fait gourou du bien-être. Mieux, dans son dernier livre "Devenir soi", il propose ni plus ni moins que de vous aider à accomplir pleinement votre vie en devenant vous-même. Tentant n'est-ce pas ? Difficile de rester insensible à telle invitation. Alors, s'il ne tient qu'à lire et appliquer les commandements divulgués dans "Devenir soi", essayons...

Livre paru aux Editions Fayard

Dans les 187 pages que compte cet ouvrage, qu'apprend t-on au juste ? Un petit conseil au préalable : les lignes qui suivent ne seront pas des plus réjouissantes. Mettez les barbituriques sous clé, fermez vos fenêtres et bouclez le gaz. Vous échapperez peut-être ainsi à l'envie d'en finir. Ce serait d'autant plus dommage que je perdrais un lecteur :-(

Dans le premier chapitre, Jacques Attali dresse un avenir apocalyptique du monde pris dans une "irrésistible ascension du Mal". Le Mal symbolise les maux qui frappent partout sur la planète. La violence au Proche-Orient, en Ukraine, en Afrique subsaharienne... Le chômage qui touche tous les pays d'Europe sans beaucoup de perspectives de s'en sortir et qui engendre des inégalités croissantes. La démographie qui continue d'exploser. Les évolutions technologiques spectaculaires mais qui, selon toute vraisemblance, n'amélioreront pas la vie des gens. Il est vrai que la robotisation des usines et le big data ne vont pas arranger nos vies ! Les problèmes climatiques s'accentueront provoquant des catastrophes naturelles, des sécheresses, des terres incultivables... Le vieillissement des populations entraînera des maladies du troisième et du quatrième âge face auxquelles les Etats ne pourront rien.

Après la lecture de ces pages, on a bien compris que l'avenir qui s'annonce n'est pas rose... Dans le chapitre suivant l'auteur invente une autre idée, celle de la "somalisation" du monde.

Partant du principe que les gouvernements des nations seront impuissants face à la montée inexorable du Mal. Les gouvernants n'ont plus de pouvoir (des G7, G8, G20 inutiles, aucune puissance internationale n'est capable d'assurer la paix...), la corruption et la criminalité règnent partout. Face à ce vide laissé par les dirigeants politiques des Etats et des institutions internationales, ce sont les entreprises qui prendront le pouvoir sur les gens. Le monde ressemblera à ce que fut la Somalie au début des années 90, lorsque ses dirigeants se sont exilés au Kenya laissant le pouvoir aux mafieux, terroristes et autres religieux. Jacques Attali conclue par "Il n'y aura alors non seulement plus de pilote dans l'avion, mais même plus de cabine de pilotage !" (page 29) Cela démontre que même en prédisant les desseins les plus sombres, on peut avoir de l'humour !

Le troisième chapitre de cette première partie fait apparaître une catégorie peu reluisante celle des "résignés-réclamants"**. Ce sont les citoyens qui attendent tout du pouvoir, qui sont fatalistes et se satisfont (en conscience ou pas) du système dans lequel ils évoluent, ceux qui se placent sous différentes autorités qu'elles soient politiques, religieuses...

Toujours en vie ? Je vous fais grâce des cent pages suivantes. Litanie inutile et verbiage soporifique à mon sens. Jacques Attali égraine une longue, longue... liste d'exemples d'artistes, d'entrepreneurs privés, d'entrepreneurs positifs, de militants qui ont su échapper à un destin tout tracé, qui ne se sont pas résignés, eux. Oust !

Passons directement aux pages qui nous intéressent vraiment. Celles pour lesquelles les lecteurs vont se décider (ou pas) à dépenser 14,50 €. Celles qui vont nous révéler (ou pas) comment "devenir soi".

Pour vous accomplir enfin, vous libérez de vos chaînes et vivre totalement votre destin, voici les 5 étapes à suivre :
Jacques Attali

  1. Prendre conscience de son aliénation. Comprendre les contraintes imposées à sa vie par la condition humaine, par les circonstances et par les autres.
  2. Se respecter et se faire respecter ; réaliser qu'on a droit à une belle et bonne vie, à du beau et du bon temps.
  3. Admettre sa solitude ; ne rien attendre des autres, même de ceux qu'on aime ou qui nous aiment ; et, grâce aux étapes précédentes, la vivre comme une source de bonheur.
  4. Prendre conscience que sa vie est unique, que nul n'est condamné à la médiocrité, que chacun a des dons spécifique. Et qu'on peut même, au cours de sa vie, en mener plusieurs, simultanément ou successivement.
  5. Se trouver, se choisir... On est alors enfin à même de se trouver, se choisir pour prendre le pouvoir sur sa vie. (page 156)
En résumé : il ne faut rien attendre de personne, ne jamais se résigner, combattre tous les déterminismes et tout mettre en oeuvre pour vivre pleinement la vie que tout à chacun rêve.

Comme a su si joliment l'écrire Antoine de Saint-Exupéry, "fais de ta vie un rêve, et d'un rêve une réalité". C'est ce que je vous souhaite à toutes et à tous.


** Si vous vous sentez appartenir à cette catégorie, pas de panique, je pense que nous sommes quelques uns ! N'oubliez pas : le but de "Devenir soi" est  (uniquement) de vous amener à prendre conscience de votre état et à vouloir en changer.

samedi 27 septembre 2014

Aux âmes bien nées... attend parfois le nombre des années !

C'est justement le cas de Robert Goddard ! Illustre inconnu il y a encore peu de temps, cet auteur britannique est miraculeusement sorti des limbes de l'oubli, autant chez nos amis Grands-Bretons, que de ce côté-ci de la Manche. Ce romancier a pourtant publié plus d'une vingtaine de romans depuis les années 80. Apparemment ceux-ci sont restés à dormir au fond des caisses ou ont été menés droit au pilon faute de lecteurs !

Il aura fallu attendre 2013 pour (qu'enfin) Robert Goddard connaisse le succès. Comme quoi il ne faut jamais désespérer...

Une amie, lectrice assidue, m'avait vanté les qualités d'un fameux roman policier à énigme, "Le Secret d'Edwin Strafford"*. C'est en effet un excellent livre policier.

Nous sommes en 1977, un ami de jeunesse de Martin Radford, prof universitaire, reprend contact avec lui après des années de silence. Cela tombe à point nommé car Martin a été chassé du monde de l'enseignement suite à un scandale. Sa carrière brisée, son ami lui propose de le rejoindre à Madère. Martin s'envole pour l'île aux fleurs où il rencontre Léo Sellick, un millionnaire sud-américain, qui habite une magnifique villa, qui fut autrefois la propriété du mystérieux Edwin Strafford, mort en 1951.

Edwin Strafford, a été un homme politique de premier plan, promis à un brillant avenir. Ministre de l'intérieur du cabinet Asquith, aux côtés de Lloyd George et de Winston Churchill, il a brusquement disparu de la scène politique, en 1910, quitté Londres pour sombrer volontairement dans l'anonymat, en s'exilant sur l'île de Madère.

Edwin Strafford a laissé dans sa villa un manuscrit de ses mémoires expliquant sa rupture. Léo Sellick va proposer au professeur d'histoire déchu de remonter le temps pour découvrir la vérité.

Roman paru aux éditions Sonatine et au format poche

Martin va enquêter sur une histoire vieille de plusieurs décennies mais qui n'est, finalement, pas achevée... Quel était donc le secret d'Edwin Strafford ? Pourquoi Léo Sellick s'intéresse t-il autant à ce personnage ? Pourquoi proposer le travail à Martin Radford et pas à un enquêteur aguerri ? Etc.

C'est un roman captivant. Dès que l'on met le doigt dans l'engrenage, on est happé par la machine, par les rebondissements, par les énigmes qui s'enchaînent. On ne lâche plus ce livre du début à la fin.

Robert Goddard conjugue, avec intelligence et talent, le suspens,l'Histoire et les intrigues. Il nous offre un voyage fascinant dans le monde du pouvoir, des alliances et des stratégies politiciennes, le tout reposant sur une brillante énigme policière.

"Le Secret d'Edwin Strafford" est le premier roman que j'ai lu de Robert Goddard et ne restera pas le dernier. J'ai d'ores et déjà en ligne de mire "Heather Mallender a disparu" et "Par un matin d'automne" !

Affaire à suivre...

* "Le secret d'Edwin Strafford" a été publié une première fois sous le titre "Les Voies du bonheur", en 1992, aux éditions Belfond.

samedi 20 septembre 2014

Gilles Legardinier ou le remède à la morosité

Depuis quelques années à présent Gilles Legardinier a su s'imposer parmi les auteurs qui montent, qui montent... Si son patronyme ne vous dit peut-être rien, en revanche, les couvertures de ses livres évoquent certainement un sentiment de déjà vu. Des chats tantôt attifés d'accessoires improbables, ou posant dans des postures incongrues toujours avec une couleur vive en toile de fond. C'est la marque universellement reconnaissable de Gilles Legardinier.

Roman paru au format poche chez Pocket

Bon, ça c'est pour la forme, mais pour le fond qu'en est-il ?

Selon toute vraisemblance Gérard Collard, le libraire hyper médiatique, est conquis "400 pages de pur bonheur !" Eh bien, nous aussi on veut du bonheur, même en papier ! Alors, j'ai consciencieusement suivi la prescription du libraire du Magazine de la santé et j'ai avalé deux cachets. Le premier "Demain j'arrête !" et le second "Complètement cramé !" En fin de compte, les cachetons sont-ils efficaces ?

Gilles Legardinier a sans doute été chimiste dans une autre vie. Il a su mettre au point une posologie, savamment étudiée, entre personnages empathiques, situations loufoques et scènes humoristiques tirées au cordeau. On obtient deux romans divertissants à lire.

Dans "Demain j'arrête !", Julie fait une fixette sur son nouveau voisin Ricardo Patatras. Afin de se rapprocher du voisin mystérieux (forcément) et convoité, Julie échafaude des plans abracadabrantesques et se prend joyeusement les pieds dans des situations invraisemblables... Je recommande ce roman, qui réserve une jolie chute, aux inconditionnels "de l'amour éternel qui dure toujours", ils seront ravis.

Pour ma part, j'ai préféré "Complètement cramé !" On chemine, au long des 420 pages, avec Andrew Blake, un riche chef d'entreprise septuagénaire qui, en période de remise en question voire de dépression, quitte son Angleterre natale. Il vient en France, incognito, assumer le poste de butler de Mathilde de Beauvillier, veuve inconsolable au bord de la ruine. Il va intégrer l'équipe existante qu'il va s'efforcer de (res)souder. Andrew va agir, telle une fée, sur cette petite troupe bien disparate. Entre la cuisinière Odile, revêche (en apparence), Manon la femme de chambre aussitôt enceinte aussitôt larguée (pas pour longtemps, je vous rassure), Magnier le contre-maître du domaine et amoureux transi de la cuisinière et "tortionnaire" de Yanis, gamin paumé... Andrew va bien avoir du fil à retordre !

Les situations relatives aux incompréhensions linguistiques, aux différences de savoir-vivre et de style de vie enrichissent les dialogues entre les personnages. D'ailleurs l'expression "complètement cramé !" échappe totalement à Andrew !

La signature de Gilles Legardinier est incontestablement d'avoir une écriture très sensible, je dirais même féminine. Ses personnages principaux prêtent une attention constante aux autres. Ils expriment un sentiment (trop) rare : la bienveillance.
Le chat Mephisto est un personnage clé du roman.


Dans la morosité ambiante et grandissante (malheureusement) dans laquelle nous vivons, il n'est pas étonnant que Gilles Legardinier rencontre un tel succès. Ses romans sont un bon remède pour échapper quelques heures au quotidien. Alors, n'hésitez pas, avalez deux pilules de Gilles Legardinier et vous découvrirez un monde merveilleux où tout se termine bien...

vendredi 12 septembre 2014

Une remarquable étoile dans la galaxie des livres

"Nos étoiles contraires" de John Green est le roman à côté duquel vous ne pouvez pas passer en ce moment ! Les ados en sont fous ! Mais que peut-il bien y avoir dans ce livre pour déchaîner autant de passion ? Certes, la 4ème de couverture est "marketée à mort" avec des avis des plus dithyrambiques. Citons celui de Time Magazine : "ça frôle le génie. Ce livre est tout simplement dévastateur..." (tout de même...)

Pour le savoir, rien de mieux que de lire le livre ! C'est chose faite ! Je comprends en effet que les jeunes (moins de 30 ans) accrochent à "Nos étoiles contraires". Cette histoire tissée autour de l'adolescence, de la maladie, des luttes et des espoirs ne peut laisser le lecteur indifférent. C'est un roman ni larmoyant, ni mièvre.

Hazel Grace Lancaster, une adolescente, est atteinte d'un cancer. Ses parents insistent pour qu'elle participe à un groupe de soutien collectif pour échanger.

"Voilà comment ça se passait... notre groupe de six, sept ou dix arrivait à pied ou en chaise roulante... avant de prendre place dans le cercle de la vérité et d'écouter Patrick débiter pour la millième fois le récit déprimant de sa vie - comment il avait eu un cancer des testicules et aurait dû en mourir, sauf qu'il n'était pas mort et que maintenant il était même un adulte bien vivant..." Page 14

Hazel est lucide. "... tout le monde racontait ses batailles, ses victoires, des psys et ses scanners... Mais la plupart des participants n'allaient pas mourir. Ils deviendraient des adultes, comme Patrick. (Ce qui signifiait que la compétition était rude, chacun voulait non seulement vaincre le cancer, mais ses petits camarades aussi. J'ai bien conscience que c'est irrationnel, mais quand on vous annonce que vous avez, disons, vingt pour cent de chances de vivre encore cinq ans,.. vous vous livrez à un calcul rapide et vous arrivez à la conclusion que ça fait une personne sur cinq... alors vous regardez autour de vous et vous vous dites, comme toutes les autres personnes saines d'esprit : je vais gratter quatre de ces tocards.)"
Livre paru chez Nathan en section "jeunesse"


Un des participants, Augustus Waters, en voie de guérison, va tomber sous le charme de la jeune fille, en laquelle il voit le sosie de Natalie Portman. Une amitié va naître entre les deux adolescents. Chacun va amener l'autre à découvrir son univers. Si Augustus dézingue les zombies à tour de bras dans son jeu vidéo, Hazel, elle, voue une passion tourmentée à Peter Van Houten (oui, oui, c'est bien la famille du cacao), le génialissime auteur d'"Une impériale affliction". Au grand désespoir de l'adolescente, son livre de chevet s'achève en laissant maintes interrogations sur le devenir des personnages. Dès lors, Augustus converti à la Peter Van Houten mania, et Hazel vont se fixer pour objectif de connaître la fin du roman. Après des échanges épistolaires avec l'auteur, ils se rendent à Amsterdam afin de le rencontrer. Cette entrevue (très mouvementée) et ce voyage seront l'occasion pour ces jeunes adultes de vivre et de réaliser quelques uns de leurs rêves. Les événements qui suivront le retour aux Etats-Unis, seront des plus inattendus...

Il serait erroné de classer "Nos étoiles contraires" dans la catégorie "énième roman jeunesse sur le cancer écrit pour faire pleurer". C'est bien plus que cela. John Green tend habilement, en toile de fond, une gentille intrigue pour aborder sobrement des situations dramatiques, mettre en scène des personnages qui traversent (et doivent faire face) à des cataclysmes inhumains.

C'est donc un livre dense et complexe sur le courage, le rapport à la maladie, à la culpabilité et à la mort sans oublier les dégâts collatéraux que ces situations dévastatrices, extrêmes, provoquent sur les proches.

4ème de couv', trop de compliment tue le compliment !

"Nos étoiles contraires" évitent de verser dans le pathos. Les personnages de John Green sont successivement révoltés (comment pourraient-ils ne pas l'être !), meurtris, courageux, fatalistes, "Tu parles d'une guerre, a-t-il soupiré. Contre qui je suis en guerre ? Contre mon cancer ? Et mon cancer, c'est qui ? C'est moi. Les tumeurs sont faites de moi. C'est une guerre civile, Hazel Grace, dont le vainqueur est déjà désigné". Page 226

mais ils savent aussi  faire preuve de dérision, Isaac atteint d'un cancer de l'oeil... "Ce matin je suis allé à la clinique et j'ai dit au chirurgien : "Je préférerais être sourd qu'aveugle." Et lui m'a répondu "Ca ne marche pas comme ça". Et moi : "Oui, je sais que ça ne marche pas comme ça. Je disais juste que, si j'avais le choix, que je n'ai pas, je préférerais être sourd qu'aveugle." Et lui : "La bonne nouvelle, c'est que vous ne serez pas sourd." Et moi : "Merci de m'expliquer que mon cancer de l'oeil ne va pas me rendre sourd. J'ai vraiment de la chance qu'une sommité intellectuelle telle que vous daigne m'opérer." Page 25

... et d'esprit "On verse du whisky dans un verre et on convoque la pensée de l'eau, puis on mélange le whisky à la pensée." Page 193

Je n'ai pas vu le film... Est-il aussi réussi que le livre ?