dimanche 29 septembre 2013

Colum McCann, excellent... comme toujours.

Il faut avoir lu Colum McCann pour être capable de faire la différence entre un vrai écrivain et un auteur baltringue ! McCann compte parmi ces écrivains que l'on achète les yeux fermés. A chaque nouvelle parution, toujours la même question (et crainte) : "ce dernier livre va t-il être (peut-il être) aussi bon que le précédent ?". Ouvrage après ouvrage, je suis sans cesse éblouie par cet écrivain. Assurément classé au top 5 de mes auteurs contemporains étrangers favoris. Toujours dans la constance et la qualité, ne cédant jamais rien à la facilité.

Avec "Transatlantic", paru aux éditions BelfondColum McCann bâtit un pont sur l'Atlantique, entre l'Amérique et l'Irlande, du XIXe siècle à nos jours. Avec une parfaite maîtrise, il mêle l'Histoire et la fiction nous entraînant dans une fresque époustouflante, dont il a le secret.

A Dublin, en 1845, Lily Duggan jeune domestique de dix-sept ans, croise le regard de Frederick Douglass, le Dark Dandy, l'esclave en fuite, le premier à avoir témoigné de l'horreur absolue dans ses Mémoires.

"Certes, les Irlandais étaient pauvres, mais pas asservis. Il était ici pour saper les fondements de l'esclavagisme américain. Parfois une épreuve de garder ses idées en ordre. Douglass avait compris que l'intelligence consiste à embrasser les contradictions. Que si la simplicité est un but en soit, il faut reconnaître la complexité inhérente aux situations. Mais il restait un esclave. Un fugitif...
On lui avait donné la chance de dénoncer ses chaînes. Il n'arrêterait pas tant que les maillons ne seraient pas tous brisés à ses pieds.
Douglas sut alors ce que le destin lui réservait ici : l'occasion d'être libre et captif en même temps. Une sensation que le plus misérable des Irlandais ne comprendrait jamais. Etre asservi de toutes parts, même par l'exigence de sa propre paix."


Ce jour-là, Lily comprend qu'elle doit changer de vie pour échapper à la famine, pour gagner sa liberté, pour s'offrir une chance d'avenir et embarque pour le Nouveau Monde...

"De courtes volutes de fumée parsemaient la campagne. Comment croire que, parmi les plus pauvres, des Irlandais logeaient sous terre ? Il voyait leurs masures, les murs de tourbe encadrés de bouts de bois, le tapis de pelouse déroulé sur le toit. Leurs champs minuscules, les haies innombrables, un enclos de pierres inachevé ça et là. Leurs enfants ressemblaient à de vains souvenirs d'eux-mêmes, des spectres nus jusqu'à la taille, le visage éraflé, la blancheur de leurs pieds. Une carcasse sous la peau, l'os qui tient lieu de vie."

... bouleversant ainsi son destin et celui de ses descendantes, sur quatre générations. On suit, à Dublin encore, cent cinquante ans plus tard, Hannah, son arrière-petite-fille, qui tente de puiser dans le passé de ses ancêtres la force de survivre à la perte de Tomas, son petit-fils assassiné.

Colum McCann mélange avec dextérité la fiction et la réalité, enchevêtrant avec finesse les personnages, lieux et Histoire, donnant ainsi une construction impressionnante de maîtrise.

Parmi, les personnages historiques-romancés, on retrouve George J. Mitchell, fin négociateur de l'Accord du Vendredi-Saint. Cet accord de paix, entériné en 1998, fût capital pour l'Irlande. L'auteur s'appuie beaucoup sur George J. Mitchell pour transmettre sont attachement à son pays natal, exorciser ses déchirures :

"Il a lu quelque part qu'un homme sait d'où il vient lorsqu'il a décidé de l'endroit où on l'enterrait. Il a déjà choisi. l'île des Monts Déserts, la falaise au-dessus de la mer, la courbe de l'horizon et le vert profond, la mousse qui éclabousse la roche escarpée. Tout ce qu'il demande : un carré d'herbe au-dessus d'une crique, une clôture blanche autour, des cailloux pointus pour lui griffer le dos. Semez mon âme dans la terre rouge, laissez-moi reposer heureux devant les pêcheurs qui relèvent leurs nasses, la longue danse de l'écume, la ronde des goélands. Soyez patient, Seigneur. Au moins vingt ans encore. Il reste tant de nouveaux matins".

"Il aurait aimé se débarrasser des hommes, remplir de femmes les salles et les couloirs. le choc, court et cuisant de trois mille deux cents mères. Celles qui, au supermarché, cherchent dans les décombres les jambes de leur mari. Qui lavent encore à la main les draps du fils jamais revenu. Qui, en cas de miracle, mettent un couvert de plus à table. Les élégantes, les furieuses, les malignes, celles qui couvrent leurs cheveux d'un filet, toutes celles que la mort épuise. Le chagrin se lit dans leurs pupilles, un puits sans fin dans une mer de lassitude. Mères, filles, petites-filles, grands-mères ne faisaient pas la guerre, mais leurs os et leur sang en portaient les souffrances."

Le talent de Colum McCann se suffit à lui-même. Nul besoin d'esbroufe, de scénario sensationnel, de rebondissements incroyables, rien de tout cela. Juste la justesse des mots justes. Des phrases courtes, fracassantes pour décrire la douleur de l'Irlande, des Irlandais trop longtemps meurtris, des expatriés vers le Nouveau Monde, de leurs luttes. N'attendez-pas que "Transatlantic" soit édité au format de poche pour le lire. Jetez-vous dessus !


Quelques unes des pépites, de cet auteur, "Ailleurs, en ce pays", "Zoli", "La rivière de l'exil", "Et que le vaste monde poursuive sa course folle" sans oublier deux merveilleux romans prêtés et jamais revus (!) : "Le chant du coyote" et "Les saisons de la nuit".
Vous serez séduit, par cet auteur. N'hésitez pas à piocher au hasard !

Pour suivre Colum McCann, en version papier ou numérique, sur son site officiel, c'est ici.

dimanche 1 septembre 2013

Un roman traduit en 20 langues, est-ce un signe de qualité ?

En flairant les multiples tables de l'excellente librairie Les Guetteurs de Vent*, près du Parc Monceau, je tombe en arrêt sur un roman intitulé "L'instant d'après" de Sarah Rayner. Jamais entendu parlé du roman ni de l'auteur... Ah, peut-être un joli jour de chance, un jour à découvrir une belle pépite...



L'éloge figurant en couverture, ne fait pas dans l'a peu près. Non, la couleur est clairement annoncée. "Oh, quel merveilleux roman ! Il vous fera rire, sangloter, sourire et pleurer. Vous courrez l'acheter pour vos amis. Et quand vous l'aurez terminé, Anna, Lou et Karen seront comme des soeurs pour vous". Cette encourageante mention est signée Tatiana de Rosnay, s'il-vous-plait !

Un roman qui s'annonce aussi prometteur ne peut laisser insensible... Il faut absolument s'enquérir de la quatrième de couverture. Vif retournement, mêlé d'une fébrile excitation... "Classé en tête des meilleurs ventes en Grande-Bretagne pendant près d'un an et traduit dans vingt langues, L'Instant d'après a révélé la plume sensible et intelligence de Sarah Rayner au monde entier".

Propos dithyrambiques, couronnés d'un  "Notre coup de coeur" (lettres capitales, gras, centrées, de ELLE.

Plus d'hésitation possible ! Je ne passerai pas à côté du roman de la décennie. Non. Il est pour moi. D'autant plus qu'il n'en reste qu'un. Direction la caisse où je me déleste de 17,95 €.
J'attends patiemment le soir pour ouvrir et commencer une belle histoire avec mon nouveau roman.

Comme tous les matins Simon et Karen prennent le train pour Londres. Soudain, Simon s'effondre et décède victime d'une crise cardiaque. Dans le même wagon Lou, une jeune femme, assiste à la scène. Le train est stoppé, en attendant un taxi Lou rencontre, par hasard, Anna l'amie proche du couple. Cet événement tragique va influer sur la vie des quatre nouvelles amies. Sur près de quatre cents pages, nous avons droit au deuil de Karen, au coming out de Lou et à la rupture d'Anna avec son copain violent.

Les fidèles de ce blog le savent, j'aime faire partager mes lectures, en reprenant les citations, les réflexions, les points clés ou marquants des livres lus. Là, je n'ai rien trouvé à partager avec vous. RIEN. Ce roman est, selon moi, d'une vacuité totale.

Ecrire un roman profond sur le deuil est un exercice des plus difficiles. Il requière du talent, celui que nous offre, par exemple, Philippe Claudel avec "Quelques-uns des cent regrets" et "Meuse l'oubli" dans lesquels il évoque avec pudeur le renoncement et l'acceptation du deuil. Nicolas Fargues a aussi tenté et réussi cette épreuve avec "Tu verras" qui touche avec délicatesse les interrogations et la culpabilité d'un père suite au suicide son fils.

Donc, à moins d'avoir plus d'ennemis que d'amis, vous courrez sûrement leur acheter ce livre. Attendez au moins qu'il soit au format poche !

* Librairie indépendante Les Guetteurs de Vent

jeudi 22 août 2013

La cuisinière d'Himmler : un roman goûteux à savourer sans attendre !

Comme son titre ne l'indique pas du tout, "La Cuisinière d'Himmler" de Franz-Olivier Giesbert n'est ni un livre historique ni un livre politique. C'est un vrai bon roman sur l'optimisme et la joie de vivre ! 400 pages de drôlerie et de pur bonheur. Un régal tant pour les mots que pour les papilles.

Couverture de l'édition grand format

Rose, cuisinière de son état, entretient un tic mono maniaque avec la vengeance. Elle dézingue ses ennemis à tour de bras, se balade à travers le monde avec sa salamandre qui lui souffle dans les esgourdes ce qu'elle n'a pas envie d'entendre... Bref, Rose est un personnage haut en couleur, une femme unique !

Ceci est l’épopée drolatique d’une cuisinière qui n’a jamais eu peur de rien. Personnage loufoque et truculent, Rose a survécu aux abjections de cet affreux XXe siècle qu’elle a traversé sans rien perdre de sa sensualité ni de sa joie de vivre. Entre deux amours, elle a tout subi : le génocide arménien, les horreurs du nazisme, les délires du maoïsme. Mais, chaque fois, elle a ressuscité pour repartir de l’avant. Grinçant et picaresque, ce livre raconte les aventures extraordinaires d’une centenaire scandaleuse qui a un credo : «Si l’Enfer, c’est l’Histoire, le Paradis, c’est la vie.»


Rose est une philosophe, une amoureuse de la vie, elle cueille et savoure les petits bonheurs du jour comme autant de trésors. Alors que certains maudissent la routine quotidienne, Rose la vénère...

Au risque de paraître niaise, ce qui est sans doute ma vraie nature, je dirais que c'est ça , le bonheur : quand les jours se succèdent aux jours dans une sorte de torpeur, que le temps s'allonge a l'Infini, je le événements se répètent sans surprise, que tout le monde s'aime et qu'il n'y a pas de cris dehors ni dans la maison quand on s'endort à côté de son chat. (page 29)

Rose est une amoureuse des livres, qu'elle consomme à tour de bras...

"Tu les as tous lus ? Demandai-je.
- J'espère que je les aurai tous lus avant de mourir.
- A quoi ça sert de mourir cultivé ?
- À ne pas mourir idiot."
(page 120)

Rose est drôle et ne manque pas de piquant même dans les moments les plus sombres...

" Hélas, madame, la police est venue les prendre. Un commissaire m'a dit que c'était le jour de ramassage des Juifs, tous les Juifs.
- Les enfants aussi ?
- Le enfants aussi, qu'est-ce que vous croyez ? La police prend tout, chez les Juifs les petits, les vieux et les bijoux, mais pas les chats. Elle laisse toujours les chats. C'est un problème. J'en ai déjà récupéré cinq..." (page 216)

"La cuisinière d'Himmler" est l'occasion pour Franz-Olivier Giesbert de remettre les pendules à l'heure, d'égratigner au passage quelques intellectuels, qui en dépit d'un aveuglement sans limite ont paradoxalement été encensés par l'intelligentsia de l'époque (Drumont, Sartre...)

Rose a des convictions et une haine inextinguible, cet autre passage ne laisse aucun doute sur ce trait de caractères : "Dans la liste de mes haines, j'avais ajouté les noms de plusieurs intellectuels, et mon choix s'est finalement porté sur Louis Althusser, l'un des papes de Saint-Germain-des-Prés, qui a suivi un parcours somme toute logique : stalinien, maoïste, puis dément. N'ayant pas le courage de se tuer lui-même, il a étranglé sa femme longtemps après." (page 324)



A lire absolument !

Franz-Olivier Giesbert se glisse à merveille dans les habits de cette vieille femme optimiste et rebelle qui n'a pas été épargnée par la vie.
Il parvient à créer une telle proximité amoureuse avec son personnage que l'on pourrait croire que Rose est une version de FOG au féminin.

Ce roman ne laissera pas vos papilles indifférentes... L'auteur offre dans les dernières pages quelques unes des recettes fétiches de notre cuisinière. Je vous livre celle de la tarte aux fraises à l'américaine ou "Strawberry shortcake" du "Frenchy's". Vous m'en direz des nouvelles !



samedi 17 août 2013

EMERGENCY 911, un bon polar à découvrir... La preuve ici !

Camilla Läckberg est peut-être le bateau amiral de la collection Actes Noirs d'Acte Sud, il existe néanmoins de très bons auteurs de polars moins "starifiés" et qui n'ont pas (encore ?) été gagnés par la maladie contagieuse du "copier/coller" ou "CRTL C / CTRL V" pour les initiés ! J'arrête là car je sens monter en moi comme une onde de mauvais esprit qui ne demande qu'à jaillir.*

Concentrons sur le cas Ryan David Jahn, l'auteur d'Emergency 911.

Couverture "Emergency 911"
4ème de couv'... pour avoir une petite idée !

Dès les premières pages d'Emergency 911, l'auteur entre dans le vif du sujet. Ni perte de temps, ni temps mort. L'histoire se met en place : Ian, préposé aux appels en détresse au bureau du Shérif, reçoit un coup de téléphone de sa fille Maggie disparue sept ans auparavant... Celle-ci raccroche précipitamment.

"Les cercueils ne peuvent pas contenir les souvenirs, et la terre ne peut pas les enfouir...
Ian secoue la tête
"Non, dit-il. Y'a pas de corps a retrouver. Elle est en vie".
Et elle n'a plus sept ans, elle n'est plus figée dans le temps. Elle a quatorze ans, elle en aura quinze en septembre, et aujourd'hui elle l'a appelé à l'aide. Elle lui a parlé au creux d l'oreille.
Il ne la laissera plus jamais mourir."

Dès lors, Ian va désespérément tout mettre en oeuvre pour la retrouver, la sauver, réparer son absence et dépasser sa culpabilité pour enfin revivre.

La psychologie des personnages est travaillée, étudiée, terriblement bien menée et réussie ! Comment monsieur Tout le Monde peut arriver à des extrémités dans le crime par "amour", comment il vole des vies pour rendre vivable la vie de celle qu'il aime.

Combien de tortionnaires se cachent derrière des masques de "braves types" ?

"Il connaît tout le monde en ville, et tout le monde le connait. Et les gens l'apprécient, pour la plupart. Évidemment, c'est parce qu'ils ne le connaissent pas vraiment, pour eux il est toujours en train de sourire, de donner des petites tapes dans le dos, de demander des nouvelles des épouses des uns et des autres - mais ils sont nombreux, les gens qui montrent leur vrai visage ? Pourquoi vous croyez qu'on a une peau ? C'est bien pour cacher ce qu'il y à en dessous : ce qui est moche. Enlevez la peau et qu'est-ce qui reste ? Rien avec quoi vous auriez envié de taper la conversation."

Avec le personnage d'Henry (le meurtrier), Ryan David Jahn, mêle humour noir et noirceur d'âme avec brio. Ainsi, avant d'exécuter une énième victime Henri n'oublie pas sa bonne morale chrétienne...

"J'imagine que vous avez compris que c'était votre tour, dit Henry. Je pense pas que ça soit d'une grande consolation, mais sachez qu'on est chrétiens et qu'on dira une prière sur votre tombe au moment de vous enterrer." Tout de suite, la mort semble plus douce...

Vous l'aurez compris Emergency 911 n'est pas seulement un polar qui dézingue à tout va, c'est aussi un roman avec de jolis passages :

"C'est Burroughs qui avait raison : l'Amérique n'est pas un jeune pays. L'Amérique est vieille, sale, mauvaise. Elle était là depuis des millions d'années, à attendre, silencieuse ; elle était la terre de bêtes qui ne connaissaient que le langage de la chasse et de la violence, et elle attendait ; depuis une éternité elle était mauvaise, dangereuse, et elle attendait."

C'est un roman que l'on ferme à regret tant on aimerait savoir comment Ian va renouer les relations avec son fils, avec son ex femme devenue veuve, comment Maggie va réapprendre à vivre... Même s'il n'y a pas trop d'inquiétude à avoir pour Maggie...

"Il dit à Maggie qu'elle est la personne la plus courageuse, la plus forte qu'il n'ait jamais connue. Il lui dit : Tu es un miracle."

Je vous encourage vivement à plonger tête la première dans Emergency 911 durant vos vacances !

* Après mûre réflexion, une petite mise au point s'impose (gentille, bien évidemment). Ne manquez pas les prochains jours un post sur l'écrivaine de polars la plus tartignolle du grand froid. 

jeudi 16 mai 2013

Trois livres pour découvrir l'Erythrée et Asmara

Il existe des pays qui incitent plus à la rêverie que d'autres. Ceux qui ont su garder les stigmates du passé offrent des traits d'union précieux entre le passé et le présent. Asmara, capitale de l'Erythrée, en est un bon exemple.

L'Erythrée est cette petite langue de sable qui borde la mer Rouge, située au nord du Soudan, au sud de l'Ethiopie peuplée par un peu plus de six millions d'âmes. Ce petit pays est fascinant. Il garde l'empreinte laissée par les années de colonisation italienne. L'horloge s'est arrêtée... L'architecture y est encore remarquablement bien conservée.

J'invite tous les mordus d'architecture, à se procurer (je sais, ce sera difficile car ce livre se fait rare), "Asmara, Africa's secret modernist city", paru en 2003, aux éditions Merrell. C'est un ouvrage vraiment fabuleux, extrêmement bien documenté ! Il explique les racines Erythréennes, raconte l'histoire d'Asmara de 1889 à 2002 et détaille l'architecture de de 1889 à 1991 : les différentes influences architecturales, les architectes qui ont été à l'origine de la "re-création" de la ville, les plans des quartiers, des bâtiments publics, privés et des photos à foison.

Couverture, livre paru uniquement en anglais
Quatrième de couverture.
Je ne résiste pas à l'envie de partager avec vous quelques unes de ces photos qui vous donneront une petite idée de ce livre exceptionnel. La qualité (des photos) laisse à désirer...

Bâtiment du Ministère du Tourisme en 1935...

et aujourd'hui.

Station service Agip de 1937

Cinéma Impero de Mario Messina, de 1937

Bon, ça c'était le côté "carte postale". Il est difficile de pénétrer cette contrée tenue d'une main de fer, depuis une vingtaine d'années, par Issaias Afeworki. Comment décrire le monsieur ? Il a été le meneur de l'indépendance, le libérateur puis il s'est laissé gagner par le virus de la dictature (comme beaucoup d'autres de ses "confrères"...).


Couverture du livre, paru en 2012

Pour bien comprendre le contexte politique, économique et social de L'Erythrée, lisez "Les Erythréens", livre paru chez Rivages de Léonard Vincent, journaliste qui s'intéresse beaucoup à cette partie de la Corne de l'Afrique.

Ce livre est écrit comme un roman, c'est un reportage sur un pays meurtri (la liberté de la presse y est interdite depuis 2001) face à son histoire. L'auteur y décrit la souffrance de ce peuple, les rencontres avec les réfugiés clandestins, les émigrés partis vers les Etats-Unis, le Canada ou la Suède laissant leur famille sous le joug de la police.

C'est un livre témoignage bien écrit, intéressant et enrichissant.

Léonard Vincent suit un blog (à ne pas manquer) sur l'Erythrée. A consulter ICI.

Autre vision de l'Afrique, celle de Jean-Christophe Rufin. Ce roman, paru chez Gallimard en 1999, a été couronné par le prix Interallié sous le titre "Les causes perdues".
Avec "Asmara et les causes perdues", Jean-Christophe Rufin, dresse un portrait sans concession de l'engagement humanitaire. "Asmara, ancienne capitale coloniale italienne dresse encore sur le sol d'Afrique ses palais romains, ses villas toscanes et ses colonnades vénitiennes. C'est dans ce décor baroque et nostalgique, isolé du monde par trente ans de guerre civile, que débarque, en 1985, un groupe d'humanitaires français, venus porter secours aux victimes d'une invisible famine qui fait rage quelque part, loin sur les hauts plateaux arides qui entourent la ville."

Hilarion Grigorian, le narrateur de l'histoire est un  vieil homme originaire d'Arménie et habitant Asmara depuis très longtemps. Jour après jour, il suit les événements qui se déroulent autour et au sein de la mission, grâce à son employé Kidane qui joue le rôle de rapporteur et s'immisce dans la vie personnelle de Grégoire, le responsable des opérations humanitaires, d'Esther, aimée de ce dernier, ainsi que des autres membres de l'équipe. Querelles internes, passions intimes, manipulations politiques, rien ne lui échappe...
Au format poche, Folio n° 3492


Avec ces trois livres très différents, j'espère vous avoir donné envie d'en connaître un peu plus sur ce pays et cette capitale. Peut-être même d'y aller faire un tour ! D'ailleurs, je vous ai trouvé un petit hôtel...

Selam Hôtel, Via Oriani, rebaptisée Maryam Gmbi Street, depuis l'indépendance... ou la dictature.
et sa salle à manger, années 30' pur-jus
Bon voyage !

samedi 27 avril 2013

Aujourd'hui, c'est la fête des libraires !

Pour la quinzième années, les libraires indépendants fêtent leur métier. A cette occasion des roses et des livres seront offerts dans les librairies qui participent à l'événement en France et en Belgique. Pour tout savoir sur cette journée du livre, c'est ici.

Pour soutenir ce mouvement, Le Parisien magazine, met à l'honneur des libraires (pas uniquement parisiens) et dévoile comment ils parviennent à se diversifier pour attirer et fidéliser la clientèle.

Gérard Collard, libraire à Saint-Maure

Les libraires passent à l'action !


Livres version "cave à vin"

Livres version "thé et cheesecake"

A n'en pas douter, les futurs libraires devront impérativement se mettre au marketing...

mercredi 24 avril 2013

Erlendur est de retour ! Mais... a t-il bien fait de revenir ?

Je le confesse, je suis une fan d'Arnaldur Indridason, l'auteur de polars qui vient du froid et qui sait très bien nous coller des frissons dans le dos. Donc, dès la sortie de son dernier roman, je me précipite (peut-être un peu vite cette fois-ci...) pour le dévorer.

Il est à la mode, semble t-il, de faire retourner les héros sur les lieux (plus ou moins heureux) de leur enfance. Si James Bond s'en revient dans la grande demeure de Skyfall, Erlendur lui s'en revient dans la vieille ferme de Bakkasel.

Livre paru en 2013 aux éditons Métailié
Dans "Etranges rivages", Arnaldur Indridason embarque le lecteur dans deux histoires parallèles liées à deux sinistres disparitions : celle de Bergur, le jeune frère du commissaire Erlendur survenue des décennies plus tôt, et celle de Matthildur, une jeune femme disparue un soir de tempête, il y a plus de 60 ans. Erlendur, va remonter les aiguilles du temps sur les deux affaires. Il va parvenir à dénouer l'écheveau de l'une mais garder à jamais le mystère de l'autre.

Je trouve ce livre plus intimiste que les précédents. Le chemin de croix et le voyage vers la rédemption qu'entreprend le commissaire fétiche d'Indridason, apporte à l'histoire une dimension humaine, qui prend trop le pas, à mon sens, sur l'intrigue. C'est longuet, à la page cent, on se demande bien quand l'intrigue va démarrer... et malheureusement elle ne démarre pas. C'est très poussif.

Au moins le dépaysement est toujours garanti...
"Sans doute se rendait-il à Reydarfjördur en passant par les failles de Hraevarskörd ou peut-être en empruntant la montagne Hardskafi par le nord avant de redescendre vers Seydisfjördur."
Ainsi, si vous faites un petit tour en Islande, vous vous sentirez moins perdu...

"Etranges rivages" est, à mon avis, loin d'être le meilleur de ses polars et j'avoue avoir été quelque peu déçue par ce dernier roman. Si on lit un polar c'est avant tout pour se détendre et s'évader, là  j'ai vécu ce moment un peu comme un pensum...

Mais il n'en demeure pas moins, que cet Islandais est un excellent auteur. C'est une bonne raison pour présenter brièvement ses trois livres les plus aboutis (selon moi).

Trois pépites à lire absolument :

"L'homme du lac" se situe sur fond de guerre froide et d'espions de la Stasi.

"La cité des jarres" oscille tantôt entre enquête sordide et l'histoire personnelle de l'inspecteur Erlendur.

"La femme en vert" est un roman policier poignant, violent et très mystérieux qui remonte à la Seconde Guerre mondiale.



On va dire que ce coup-ci Arnaldur à cafouillé et que la prochaine fois il nous reviendra en pleine forme ! :-)

vendredi 12 avril 2013

John Burnside ou l'art subtile de la perversité

Exit la grosse cavalerie ! John Burnside, écrit tout en subtilité (il faut avouer que le monsieur est poète). Cet auteur écossais a écrit plusieurs romans qu'il est difficile de classer de suite dans la catégorie "thriller" tant il mêle beauté de l'écriture et raffinement dans la cruauté la plus noire. A chaque opus, il nous livre un texte littéraire rare, composé avec une vraie précision chirurgicale dans la dissection des chairs et des âmes. Un "savoureux" mélange poétique et cruel à la fois. Je vous propose de découvrir deux de ses romans : "Scintillation" et "La Maison muette" (qui est son premier roman).

Roman paru en 2011, aux éditions Métailié.






Leonard est un adolescent de 15 ans, cloîtré dans une vie morne (un père malade, une petite amie ingérable, des copains délinquants...), dans une ville qui s'étiole autour des vestiges d'une usine chimique abandonnée qui pourrit la nature et fait mourir les ouvriers. Mais Leonard s'évade, ce sont les livres qui le portent, le transportent loin de cette atmosphère putride et irrespirable. Leonard est aussi porté par un optimisme lyrique :

"C’était la ville qu’il fallait démolir, l’Intraville et l’Extraville, les alignements d’immeubles et les villas, les pauvres et les riches, tout. Il fallait tout abattre et tout recommencer. Alors les gens pourraient commencer à s’en aller plus loin, à s’en aller dans le monde pour éduquer les autres, allant de place en place, ramenant le plaisir d’être en vie."

Des enfants des villages voisins viennent hanter les lieux. Au fil des années des écoliers disparaissent dans l'indifférence générale. Selon les policiers, il s'agit de fugueurs...

Entre scandale écologique, disparitions, meurtres, affairistes véreux et chronique adolescente, il est difficile de ranger ce roman dans une case tant il est inclassable.

"La Maisons muette" commence ainsi : "Nul ne pourrait dire que ce fut un choix de ma part de tuer les jumeaux, pas plus qu'une décision de les mettre au monde."  Dès les premières lignes, le protagoniste nous fait part de l'échec de son expérience scientifique : l'euthanasie active de ses jumeaux en bas âge.

"Je compris d'emblée que c'était une erreur de considérer les jumeaux comme mes enfants, quelle que soit la réalité biologique. Seule une imperfection du langage assimile parenté et possession, or, en l'occurrence, la parenté était fortuite. Je n'avais pas de lien réel avec les êtres qui occupaient la pièce du sous-sol où ils pleuraient et se souillaient, s'agrippaient à une vie à laquelle j'aurais aisément pu mettre un terme à l'aide d'une bassine d'eau ou d'une longueur de ficelle".

Ce roman soulève plusieurs questions métaphysiques : quelle est la part de l'innée et de l'acquis dans le langage, ou encore quel est le mystère de l'existence ? Comme toujours avec John Burnside, il est difficile de coller l'étiquette "thriller" tant la poésie fait corps avec le texte...

Roman paru en 1997

dimanche 7 avril 2013

"Il était une fois en France" ou la vie de Monsieur Joseph

"Il était une fois en France", L'Empire de Monsieur Joseph, est le premier tome d'une série de six albums racontés par Fabien Nury et Sylvain Vallée. Les fans de bandes dessinées connaissent bien ces deux patronymes. Le premier est le scénariste des séries "West" et "Je suis Légion". Ensemble, ils ont été plusieurs fois primés et récompensés au Festival d'angoulême.

Album paru aux éditions Glénat

Photo de Joinovici, préfecture de Police

"Il était une fois en France", L'Empire de Monsieur Joseph, nous invite à revivre une période (sombre) de l'histoire de France, celle de la résistance et de la collaboration grâce au travail extrêmement bien documenté de Fabien Nury.

Monsieur Joseph est un immigré Juif roumain qui va devenir un des hommes les plus riches de France en faisant commerce de la ferraille sous l'Occupation. C'est un personnage très controversé.

Héros ou salaud ? L'album met en évidence toute la difficulté  qu'il y a à comprendre cette période trouble. Tous les bons ingrédients y sont : personnages ambigus, importance du pouvoir, mais aussi profondeur de l'âme humaine avec ses faiblesses et ses failles. 

L'intelligence des dialogues et la qualité des dessins (expressions des personnages, couleurs des planches...), met subtilement en lumière de nombreuses facettes, pas si faciles à appréhender et à juger qu'il n'y paraît au premier regard ou à la première lecture.

Un juge attend le retour de Monsieur Joseph  (page 7)

Arrivée de Joseph et Eva à Clichy (page 23)

Si vous aimez les BD historiques, cette série vous laissera pas indifférent. A acheter les yeux fermés !

vendredi 5 avril 2013

Vous en reprendrez bien un peu ? !

A l'instar de beaucoup de fans de Jean Teulé, je me suis précipitée pour acheter son dernier ouvrage "Fleur de tonnerre", paru il y a quelques semaines, chez Julliard.

Comme bon nombre de lecteurs de Jean Teulé, j'apprécie sa capacité à associer faits historiques et humour (noir). "Fleur de tonnerre" recèle tous les bons ingrédients. Ce livre nous entraîne dans un périple breton où foisonnent les croyances les plus incroyables.

Fleur de tonnerre c'est Hélène Jégado (tristement) bien connue en Bretagne pour avoir été la serial  empoisonneuse numéro 1.

Après l'usage des baies de belladone, Hélène passe à la vitesse supérieure en pratiquant son "art" avec la reusenic'h (!) achetée chez le pharmacien. Cette poudre blanche, initialement prévue pour exterminer les rats, servira à d'autres bien sombres desseins...

Couverture du livre "Fleur de tonnerre", paru en 2013.

Suite au "glissement" d'une malheureuse innocente, Hélène, inquiète veille au respect des traditions ! ...

"Après le dernier soupir, il faut éteindre les chandelles pour le passage de l'âme et aussi faire attention que celle-ci ne fasse tourner le lait ou ne se noie dans l'eau du broc. Voilà, c'est fait. Je suis épuisée. Maintenant, j'aurais bien besoin de sortir prendre un petit remontant, moi !"

De passage chez des soeurs, où elle n'aura pu (et ce n'est pas faute d'avoir essayé !), estourbir deux ou trois nonnes au passage, Hélène est renvoyée...

"Sortez de ce couvent, Hélène. Votre affaire fera le tour des lieux saints du Morbihan où vous ne trouverez plus jamais un emploi. En revanche, je ne relaterai pas en ville les événements extraordinaires qui se sont déroulés chez nous car vous seriez capable de dire que vous n'y êtes pour rien et alors les paysans raconteraient, dans les veillées des campagnes, que ce sont des korrigans*, fées, sirènes, Poulpiquets* velus qui ont fait le coup... ou je ne sais quelle créature folklorique sortie de ces terres druidiques."

* voir en fin de billet

On ne répétera jamais assez l'importance de maîtriser les langues étrangères voire régionales ! Notre Fleur de tonnerre arrivant chez un nouvel employeur...

A celui qui a ouvert et aimerait savoir : " Et vous, qui êtes-vous ?", tout en allant grimper les marches de la maison, la femme de Plouhinec répond en breton :
- On m'appelle Hélène. Sinon, qui je suis vous l'apprendrez bientôt... à vos dépens".

Hélène sait bien que lorsque l'on aime, on ne compte pas ! Ainsi, au fil des décennies, c'est une soixantaine d'individus (homme, femmes, enfants et nourrissons !), qu'elle va consciencieusement dézinguer, à tour de bras, à travers toute la Bretagne.

La veille de son exécution, le 26 février 1852, Hélène Jégado confie à son bourreau :

"Lorsqu'ils évoquaient devant moi l'Ankou, je me souviens de la terreur de mes parents : quand on entendait dehors un bruit répété trois fois, les longs cheveux de mon père devenaient raides et ma mère paniquait. Je voyais l'importance de l'Ankou dans la famille, me disais "Je deviendrai importante. Je deviendrai ce qui les intéresse". Du coup, j'ai tué mes parents, mes tantes maternelles, ma soeur".

"Je suis devenue l'Ankou pour surmonter mes angoisses. Et ensuite je n'en avais plus puisque l'angoisse ce fut moi. "Je ne subirai plus leur peur. C'est moi qui déciderai"....

" ... Je ne disculpe ni n'accuse, j'explique !... Les peurs de mes parents m'ont tellement fait peur ! Ils m'ont donné leur peur et le sol a vacillé. J'ai eu trop peur lors des veillées. Quand les parents sont tétanisés par une peur, ils ne protègent pas. C'est vraiment impressionnable, les enfants, merde ! s'énerve-t-elle. En fait, quand les parents ont tellement peur, ils projettent leur peur sur les petits et il n'y a plus de protection, quoi ! Et alors après..."

Tout est dit.
Mesdames et messieurs les parents, méditez bien !


* Illustrations informatives.
Le Korrigan, comme son nom l'indique
Le Poulpiquet, comme son nom l'indique

mercredi 3 avril 2013

Deux livres passionnants à lire sur la Corée du Nord

Il est des contrées plus fascinantes les unes que les autres. Certaines le sont pour leur situation géographique, leurs trésors naturels, leur passé historique, leurs merveilles en architecture, etc. Il en est une qui hypnotise la planète, depuis les années 50, c'est la Corée du Nord. Ce petit pays communiste totalement exsangue, dirigé par une dynastie de gros bébés dictateurs joufflus, captive autant qu'il attriste, en raison de sa totale absurdité.

"Rescapé du camp 14" et "Nouilles froides à Pyongyang", deux livres parus récemment, racontent la vie en Corée du Nord. Le premier est un témoignage d'un Nord-Coréen qui a fui son pays, le second est le point de vue d'un occidental en "reportage". Les deux donnent à leur manière, bien évidemment, un ressenti très différent. Ni larme, ni voyeurisme dans ces deux ouvrages. Juste une retranscription des émotions ressenties, des situations endurées avec des mots simples et directs. Deux documents extrêmement intéressants et complémentaires.




"Rescapé du camp 14", de l'enfer Nord-coréen à la liberté", de Blaine Harden, édité aux éditions Belfond. C'est un livre écrit à quatre mains, entre un journaliste fin connaisseur de l'Asie et Shin Dong-hyuk, jeune homme trentenaire né dans un camp de travail.

"Il a fallu des mois à Shin pour comprendre ce qu'on l'avait autorisé à voir. Le document expliquait pourquoi la famille de son père avait été enfermée au Camp 14.
Le crime impardonnable du père de Shin était d'être le frère de deux hommes qui s'étaient enfuis au Sud pendant une guerre fratricide qui avait rasé presque toute la péninsule coréenne et divisé des centaines de milliers de familles. Le crime impardonnable de Shin était d'être le fils de son père - qui ne lui avait jamais rien expliqué de tout ça."

"Fin janvier 2005, quand Shin marche vers la Chine avec des cigarettes et des biscuits, la fenêtre permettant un passage sans guère de risque de l'autre côté de la frontière commence certainement à se refermer, mais il a de la chance : les ordre venus d'en haut n'ont pas encore modifié le comportement des quatre misérables soldats que Shin croise le long du Tumen : ils sont toujours avides de pots-de-vin".
Après de nombreuses péripéties, Shin parvient en Corée du Sud. "Je ne veux pas critiquer ce pays, m'a confié Shin le jour de notre première rencontre, mais je dirais que, sur la population totale de Corée du Sud, seul 0,001 pour cent des gens s'intéresse vraiment à la Corée du Nord. Leur mode de vie leur permet pas de penser à ce qui se passe au-delà de leur frontière. A leurs yeux, il n'y a rien, là-bas".

"Nouilles froides à Pyongyang" de Jean-Luc Coatalem, chez Grasset, nous procure une autre vision. Celle d'un reporter qui se fait passer pour un responsable d'agence de voyages en reconnaissance à Pyongyang, en compagnie de son ami, Clorinde. Jean-Luc Coatalem sait manier le style et user de réflexions teintées d'ironie, à bon escient.
L'auteur parvient à nous faire prendre part à son épique voyage, à nous associer à cette atmosphère surréaliste.

"En prévision de ce périple, je n'ai emporté ni journaux (interdits), ni téléphone portable (il serait confisqué), ni ordinateur, ni même de lecteur MP3..."

"Parler à un inconnu, sans raison précise, si j'ose dire "naturellement", dans un ascenseur ou sur le parking où sont garées les quelques estafettes à touristes, relève de la gageure. Si je tente ma chance, les gars en restent bouche bée, abasourdis par tant d'audace. Et reculent comme on s'efface, roulant des yeux, ne s'excusant pas. Inutile de les rattraper, ils cavaleraient en zigzag, criant à l'inconscient."

"... Lorsque j'évoquerai en termes prudent le destin de l'Egyptien Hosni Moubarak, qui rappelait celui du Tunisien Ben Ali, la libération des peuples qui s'est ensuivie, mon guide se prendra le visage entre les mains pour murmurer, apparemment sous le choc : "Oh, non ! les pauvres". Il parlait des infortunés dictateurs".


Ces deux livres affichent le même (triste) constat : "... Si les frontières s'ouvraient, le Sud aurait à supporter, à l'exemple de l'Allemagne de l'Ouest avec la RDA, la remise à niveau des vingt-quatre millions de Nord-Coréens, échappés des geôles d'un Moyen Age contemporain. Le coût ? Des centaines de milliards d'euros. Pour un résultat hypothétique - Séoul exigerait que les Nordistes ne déferlent pas chez elle, quitte à respecter une séparation territoriale. Réunifiés certes mais chacun chez soi ! Un comble ! De quoi faire vaciller le Sud de toute façon..."

Personne n'ayant grand intérêt à voir les deux pays se réunir, le "Génie aux dix mille talents", alias le "Président éternel", alias le "Cerveau parfait", alias le "Père de l'Humanité", etc, etc. a encore de beaux jours devant lui...

Comme disait Kim Il-sung, qui continuerait à conseiller son fils Kim Jong-un... par-delà la mort, grâce aux forces de l'esprit (si, si) : "Le livre est un professeur silencieux et un compagnon de vie".

Ce blog est consacré aux livres, mais ne soyons pas sectaires ! Pour celles et ceux qui souhaitent voir un beau reportage photos sur la Corée du Nord, cliquez ici.

lundi 25 mars 2013

Un libraire-éditeur et un auteur uruguayen. Rien que ça !

Le libraire c'est Jean-Marie Ozanne, un homme très important dans le milieu de la librairie. Il a fondé au début des années 80' la librairie Folies d'encre à Montreuil et participé à la naissance du salon du Livre enfance et jeunesse, toujours à Montreuil. Ce libraire pas comme les autres est aussi le créateur des Editions Folies d'Encre.

Jean-Marie Ozanne a publié "Les lettres qui ne sont jamais arrivées", le premier roman traduit en français de Mauricio Rosencof. Méconnu en France, cet auteur est le fondateur dUn liu mouvement Tupamaros. Il a passé onze années dans les geôles de la dictature uruguayenne.

"Les lettres qui ne sont jamais arrivées" est un roman sur la mémoire, sur les mémoires : de la famille, des lieux, des mots, des souffrances, des petits riens qui font la vie.
C'est l'histoire d'une famille qui a quitté l'Europe pour l'Uruguay afin d'échapper à la barbarie. Seulement tous ne sont pas partis. La famille restée en Europe "s'installe" à Teresienstadt et débute alors une correspondance avec les exilés.

Les semaines passent et Isaac est toujours en attente de nouvelles d'Europe...

"Une nuit, vois-tu, une fille de notre baraquement s'est mise à pousser des hurlements terribles ; une minute plus tard, nous poussions toutes des hurlements sans savoir pourquoi. Pourquoi ? Je pense que cette plainte affligeante qui parfois traverse l'air comme un oiseau sans corps, est l'expression du dernier vestige de la dignité humaine.
C'est un recours, le seul recours, peut-être, qui permette à un homme de laisser une empreinte, de faire savoir à ses semblables comment il a vécu et comment il est mort. Il revendique, avec des cris, son droit à l'existence, il adresse un message au monde extérieur pour réclamer de l'aide et manifester sa résistance. Si plus rien de tout cela n'existe, il ne devrait pas crier..."

"... Lorsque j'étais petite, Isaac, je me demandais où allaient les rêves. Tu rêves et les rêves sont semblables à de l'eau. Où va toute cette eau ? Dans la mer ? Et ensuite, elle se transforme en nuage ? Les rêves, alors, reviennent avec la pluie. Et les cris ? Aujourd'hui, je me pose la question. Où vont-ils ? Ils ne peuvent pas, il ne doivent pas se perdre. Il est impossible qu'ils se perdent, ils ne peuvent pas se dissoudre dans le néant, s'éteindre dans le néant, mourir pour rien, ils ont été créés pour quelque chose. C'est nous qui mourons, chaque matin, pendant que Grete fait sa sélection, toutes les fois qu'un train arrive. Mais pas nos cris, non, pas ce cri.
Dieu fasse que nos cris hantent la mémoire de ceux qui ne savent pas, de ceux qui savent et se taisent, de ceux qui ne veulent pas savoir".

Ce romance n'existe pas (encore) au format numérique.

"Ces lettres ne te parviendront jamais Isaac. Ou si elles te parviennent un jour, alors c'est que nous, nous n'existerons plus. Mais de fait, nous serons encore vivantes.

Peut-être que d'autres écrivent des lettres similaires. Moishe doit savoir que nous les écrivons, pour qu'il sache qu'elles ont été écrites en mémoire de ses oncles, de ses cousins, de ses grands-parents. Nous voulons faire partie de sa mémoire, Isaac.

Chacun d'entre nous fait partie intégrante de la mémoire des autres, générale, collective. Moishe aussi. Moishe fait partie du tout, de tous les autres. Moishe est son chat ainsi que ses parents. C'est aussi le frère qui va mourir et aussi, son ami Fito. Moishe est nous tous.
Ainsi va la nature humaine."

L'histoire se perpétue... Ce fils traumatisé par les violences de la mémoire familiale est à son tour, en autre lieu, autre temps, emprisonné, victime de l'intolérance.


"La scène se déroule dans les bas-fonds de la caserne du septième de cavalerie, basé à Santa Clara de la Frontera. Imagine cette brillante opération de nos Forces Armées : la porte du cachot vient de s'ouvrir et je me retrouve face à deux officiers. Pendant que l'un me menotte, l'autre me dévisage, tranquillement assis sur le tabouret qu'il a emmené avec lui. Une voix résonne : "on est venu te liquider. Regarde où tu veux. Bouge pas. T'es mort". Le militaire arme le percuteur de son 45, braque le colt sur ma tempe, une balle engagée dans le canon, ce lieutenant est dans son rôle de cow-boy prêt à cracher du plomb, le doigt sur la gâchette - cette fois-ci c'est la bonne, adieu camarades - et c'est à cet instant précis qu'en mon for intérieur, façon aimable de tirer ma révérence, j'ai murmuré la Parole".

Ainsi va le monde...

Maurico Rosencof a aussi écrit "El Bataraz" (édité aux Editions Folies d'Encre), un livre poignant relatant son incarcération, en tant que prisonnier politique durant les années 70'. Mais le temps passe, ce sera pour une prochaine fois !

vendredi 22 mars 2013

Connaissez-vous Laura Sadowski ?

Le but de ce blog est de partager autour des livres, d'échanger autour d'auteurs connus et de mettre en lumière des auteurs méconnus que apprécie. L'auteure dont je vais vous parler aujourd'hui est Laura Sadowski.

Après une enquête, menée auprès des libraires de mon quartier, qui s'est révélée infructueuse, je pense que ce (modeste) blog est le dernier recours pour tirer Laura Sadowski de son injuste anonymat. ;)

Amatrices et amateurs d'histoires abracadabrantesques, passez votre chemin ! Laura Sadowski compose des thrillers judiciaires. J'ai bien écrit "judiciaire", donc forcément la rigueur est de rigueur (!), les intrigues sont tirées au cordeau, les détails des procédures cadrent, étayent les histoires.

Laura est un condensé de, Harlan CobenMichael Connelly et... Frédéric Pottecher, qui savait comme personne, retranscrire et faire partager l'ambiance des grands procès, des enjeux qui se jouent, des rebondissements et des verdicts qui tombent comme des couperets.

Parmi ses oeuvres, j'en ai choisi trois : "L'affaire Clémence Lange", "La Géométrie du tueur" et "Sanglante, sera ta fin".

"L'affaire Clémence Lange" est éditée
aux Editions Odile Jacob


J'avoue que je n'avais jamais entendu parler de cette dramatique affaire avant la lecture des évènements relatés dans "L'affaire Clémence Lange".

Nicolas Kléber est un avocat à qui tout réussit. Par un étrange concours de circonstances (bien calculées), à la veille d'un réveillon de nouvelle année, il se retrouve emprisonné à la prison de Fleury-Mérogis, où une ancienne cliente de son cabinet purge une peine de quinze ans pour avoir assassiné son patron et amant. Le procès va se rejouer entre les deux protagonistes.

Et si Clémence Lange était innocente ? Et si elle avait été désignée coupable "idéale" ? Et si une autre maîtresse avait tué la victime ? etc.

Ce huis clos entre l'avocat, la détenue et le lecteur est fort bien construit, il distille un réel malaise.

J'ai ressenti la même sensation à la lecture de "L'affaire Clémence Lange" que celle qui m'avait saisi lors de la découverte du "Pull-over rouge" de Gilles Perrault : un amer sentiment d'impuissance.


Avec "Sanglante, sera ta fin" nous partons bien loin de Fleury-Mérogis, pour Dallas de l'autre côté de l'Atlantique. Vous allez faire connaissance avec le système judiciaire américain et pénétrer une machination infernale...

Maître Franck Farraud est désigné (pas par hasard...), pour représenter Teddy Lamar, un jeune délinquant franco-américain réfugié à Paris, qui risque la peine de mort dans son pays, vers lequel il va être extradé. Tout accuse Teddy Lamar d'un sanglant carnage. Franck Farraud voit là, l'occasion rêvée de briller en le sauvant de la peine capitale. Mais les évènements ne ne sont pas toujours ce qu'ils semblent être...

Dès la première page, vous serez saisi par la rapidité des situations qui s'enchaînent, les rebondissements (toujours crédibles) vous étonneront, vous n'en décrocherez pas !
A la dernière ligne, vous direz "waouh !" tellement vous n'aurez pas vu la chute venir ! D'ailleurs, à cette chute, j'espère bien qu'il y aura une suite...

Laura Sadowski vous invite, sur son blog, à découvrir le premier chapitre de "Sanglante, sera ta fin"

"Sanglante, sera ta fin" en version numérique.
La version papier existe aussi !

"La Géométrie du tueur" en numérique.
J'ai choisi "La Géométrie du tueur" en raison de la psychologie des personnages qui se dégage et qui est déconcertante. Du portrait de ce père avocat en quête d'explications, au profil du serial killer et de la relation qu'il entretient avec sa fille.

Mathis Clay'h est un avocat paumé, divorcé, qui a sombré peu à peu dans l'alcoolisme et la dépression suite à la disparition inexpliquée de sa fille adolescente. Il hante les tribunaux pour être commis d'office. Jusqu'au jour où il rencontre une jeune fille qui lui demande d'assister son père accusé d'être un tueur en série. Ce dernier va jouer avec l'avocat en lui proposant un marché ignoble : le faire acquitter contre la vérité sur sa fille !

L'accusé se transforme en effroyable maître chanteur face à cet avocat condamné à l'aider pour tenter d'avoir une réponse...

C'est un très bon polar, noir et haletant. 

Je pourrais vous dresser la liste exhaustive de ses livres. Mais, le mieux c'est encore de les lire ! Pour les acheter c'est ici !

Il existe plusieurs dénominateurs communs aux livres de Laura Sadowski :
  • Des personnages à la psychologie toujours très aiguisée, faillibles, humains, brisés.
  • Des intrigues sans cesse renouvelées, assez travaillées pour être aussi réalistes qu'incroyables.
  • Une écriture simple qui se prête à merveille à la complexité des histoires. 
En fait, il existe surtout un dénominateur commun aux livres de Laura Sadowski : c'est le talent.

samedi 9 mars 2013

Marie Potvin : du numérique au papier

Marie Potvin connait un franc succès chez NumérikLivres, éditeur 100 % numérique, avec plusieurs livres dont la célèbre série "Les héros ça s’trompe jamais" (qui entame, d'ailleurs, sa saison 2). Notre auteure a délaissé un temps les bidules électroniques pour revenir au bon vieux papier. En effet, son dernier récit dit "de fille" (pas interdit aux garçons pour autant...), vient d'être publié aux Editions Goélette.


C'est l'occasion rêvée de lui poser quelques questions...
Ne nous privons pas !

Pouvez-vous nous présenter votre livre "Il était trois fois... Manon, Suzie, Flavie" ?
Cette parution est la compilation de trois de mes romans tirés de la collection ROMAN DE FILLE publiée chez Numériklivres : "Le Retour de Manon Lachance", "Suzie et l'Homme des bois", et "La Naufragée urbaine". Ce sont trois comédies romantiques dont le ton et les personnages avaient ce petit quelque chose en commun, comme si elle auraient pu être amies facilement. Dans cet ordre d'idées, j'ai créé des scènes "bonus" nous permettant d'assister à leur amitié naissante en début de livre, ainsi qu'à la toute fin.

Pourquoi passer du format numérique au livre objet ?
Je le perçois comme un ajout, une corde de plus à mon arc. Le livre "objet" est un produit différent du ePub et touche encore un public autre que celui qu'atteint l'univers du numérique. J'élargis mes horizons!

Pourquoi passer du format numérique au livre objet ?
Je le perçois comme un ajout, une corde de plus à mon arc. Le livre "objet" est un produit différent du ePub et touche encore un public autre que celui qu'atteint l'univers du numérique. J'élargis mes horizons!

Que représente pour vous ce changement ?
Ça m'ajoute du travail (rires) ! Toute maison d'édition demande ses ajustements, et les Éditions Goélette ne sont pas différentes en ce sens. Je le vois comme un opportunité de faire de nouveaux apprentissages, de bénéficier d'une nouvelle visibilité et aussi, de permettre à ma prose de faire boule de neige dans un sens comme dans l'autre, la visibilité papier aidant celle du numérique et vice versa.

Où les lecteurs vont-il pouvoir acheter votre livre (en dehors du Web) en France (libraires indépendantes, chaînes type Fnac, grandes surfaces...) ?
Pour l'instant, le livre papier sera publié au Québec seulement. Dans un futur plus ou moins rapproché, la France est en mire, c'est bien évident et je l'espère grandement.

Serez vous présente au Salon du Livre de Paris ? 
Je serai de la plupart des Salons qui se dérouleront au Québec cette année. Pour l'instant, Paris reste un projet. Le jour où j'irai, vous serez parmi les premières à apprendre et ce sera une excellente nouvelle! Ce sera un rendez-vous!



Caline de bine ! Pour avoir une dédicace de Marie, des petites (ou grandes) vacances chez nos cousins québécois vont s'imposer...

Bonnes vacances et bonne lecture (en papier ou numérique) !

jeudi 7 mars 2013

Guillaume Musso : redoutablement efficace

Comme chaque année j'achète le dernier livre de Guillaume Musso (XO éditions), sous l'oeil ironique et goguenard de mon libraire. Immanquablement, lors de mon passage en caisse, il me fait : "Non, pas vous...". Je sais, il est certainement plus chic et de bon goût de citer les écrivains de "vraie littérature" les Haddad, Michon, Delerm, Nabe, Germain, Millet... que d'avouer lire Musso !

Mais pourquoi devrions-nous faire un choix ? Pourquoi ne pourrions-nous pas apprécier plusieurs styles sans être automatiquement coller dans des catégories de lecteurs : "bons", "mauvais", "intellectuels", "béotiens"... ? La diversité est partout ! Laissons-la aussi s'exprimer en littérature !

"Demain", le dernier opus de Guillaume Musso, est un polar rapide et efficace à la mécanique très bien huilée.

L'histoire est bâtie comme un vrai scénario hollywoodien (d'ailleurs, ce livre aboutirait à un film que cela ne m'étonnerait pas...). Dès les premières phrases, le lecteur est implacablement entraîné dans la vie de Matthew Shapiro, prof de philo toujours très amoureux de sa parfaite (vraiment ?) et brillante épouse chirurgienne, décédée dans un accident de la route.

Matthew achète un Mac d'occasion sur une braderie et lors de la première connexion, entre en contact avec sa précédente propriétaire, Emma. S'engage alors une correspondance par emails qui va aboutir à un rendez-vous manqué. Pour cause : l'un vit en 2010, l'autre en 2011 !

Emma, jeune femme fragile et suicidaire va se révéler forte et combative pour déjouer les obstacles les plus incroyables.


Evoluant entre thriller et comédie romantique, "Demain" est extrêmement bien ficelé. Les intrigues tiennent debout. La rapide succession des scènes, les rebondissements, les retournements de situations, tout est mis en oeuvre pour vous rendre totalement "addict". Assurément vous le devenez ! Pour ma part, j'ai trouvé "Demain" tellement distrayant qu'il m'a été impossible de le refermer avant de connaître le dénouement.

Cela tient aussi au fait que les personnages de Guillaume Musso sont terriblement vivants. Ils occupent l'espace, ils marquent leur passage, les lieux deviennent familiers... "Matthew vivait depuis trois ans dans cette maison de brique rouge à l'angle de Mount Vernon Street et de Willow Street. Une jolie townhouse à la porte blanche massive et aux volets en bois sombre, dont la vue donnait sur Louisburg Square."

La proximité avec le lecteur est si forte, la frontière entre fiction et réalité est si mince que j'ai été curieuse de savoir à quoi pouvait bien ressembler Mount Vernon Street, Beacon Hill à Boston ! Pour vous éviter de chercher, voici la réponse...
Plan de Boston, Beacon Hill
Une certaine ressemblance avec la maison de Matthew, non ?

Si le volume de 430 pages vous effraye, téléchargez-le sur votre liseuse. XO éditions propose le format numérique à un prix vraiment attractif de 13,99 € contre 21,90 € la version papier.