samedi 27 avril 2013

Aujourd'hui, c'est la fête des libraires !

Pour la quinzième années, les libraires indépendants fêtent leur métier. A cette occasion des roses et des livres seront offerts dans les librairies qui participent à l'événement en France et en Belgique. Pour tout savoir sur cette journée du livre, c'est ici.

Pour soutenir ce mouvement, Le Parisien magazine, met à l'honneur des libraires (pas uniquement parisiens) et dévoile comment ils parviennent à se diversifier pour attirer et fidéliser la clientèle.

Gérard Collard, libraire à Saint-Maure

Les libraires passent à l'action !


Livres version "cave à vin"

Livres version "thé et cheesecake"

A n'en pas douter, les futurs libraires devront impérativement se mettre au marketing...

mercredi 24 avril 2013

Erlendur est de retour ! Mais... a t-il bien fait de revenir ?

Je le confesse, je suis une fan d'Arnaldur Indridason, l'auteur de polars qui vient du froid et qui sait très bien nous coller des frissons dans le dos. Donc, dès la sortie de son dernier roman, je me précipite (peut-être un peu vite cette fois-ci...) pour le dévorer.

Il est à la mode, semble t-il, de faire retourner les héros sur les lieux (plus ou moins heureux) de leur enfance. Si James Bond s'en revient dans la grande demeure de Skyfall, Erlendur lui s'en revient dans la vieille ferme de Bakkasel.

Livre paru en 2013 aux éditons Métailié
Dans "Etranges rivages", Arnaldur Indridason embarque le lecteur dans deux histoires parallèles liées à deux sinistres disparitions : celle de Bergur, le jeune frère du commissaire Erlendur survenue des décennies plus tôt, et celle de Matthildur, une jeune femme disparue un soir de tempête, il y a plus de 60 ans. Erlendur, va remonter les aiguilles du temps sur les deux affaires. Il va parvenir à dénouer l'écheveau de l'une mais garder à jamais le mystère de l'autre.

Je trouve ce livre plus intimiste que les précédents. Le chemin de croix et le voyage vers la rédemption qu'entreprend le commissaire fétiche d'Indridason, apporte à l'histoire une dimension humaine, qui prend trop le pas, à mon sens, sur l'intrigue. C'est longuet, à la page cent, on se demande bien quand l'intrigue va démarrer... et malheureusement elle ne démarre pas. C'est très poussif.

Au moins le dépaysement est toujours garanti...
"Sans doute se rendait-il à Reydarfjördur en passant par les failles de Hraevarskörd ou peut-être en empruntant la montagne Hardskafi par le nord avant de redescendre vers Seydisfjördur."
Ainsi, si vous faites un petit tour en Islande, vous vous sentirez moins perdu...

"Etranges rivages" est, à mon avis, loin d'être le meilleur de ses polars et j'avoue avoir été quelque peu déçue par ce dernier roman. Si on lit un polar c'est avant tout pour se détendre et s'évader, là  j'ai vécu ce moment un peu comme un pensum...

Mais il n'en demeure pas moins, que cet Islandais est un excellent auteur. C'est une bonne raison pour présenter brièvement ses trois livres les plus aboutis (selon moi).

Trois pépites à lire absolument :

"L'homme du lac" se situe sur fond de guerre froide et d'espions de la Stasi.

"La cité des jarres" oscille tantôt entre enquête sordide et l'histoire personnelle de l'inspecteur Erlendur.

"La femme en vert" est un roman policier poignant, violent et très mystérieux qui remonte à la Seconde Guerre mondiale.



On va dire que ce coup-ci Arnaldur à cafouillé et que la prochaine fois il nous reviendra en pleine forme ! :-)

vendredi 12 avril 2013

John Burnside ou l'art subtile de la perversité

Exit la grosse cavalerie ! John Burnside, écrit tout en subtilité (il faut avouer que le monsieur est poète). Cet auteur écossais a écrit plusieurs romans qu'il est difficile de classer de suite dans la catégorie "thriller" tant il mêle beauté de l'écriture et raffinement dans la cruauté la plus noire. A chaque opus, il nous livre un texte littéraire rare, composé avec une vraie précision chirurgicale dans la dissection des chairs et des âmes. Un "savoureux" mélange poétique et cruel à la fois. Je vous propose de découvrir deux de ses romans : "Scintillation" et "La Maison muette" (qui est son premier roman).

Roman paru en 2011, aux éditions Métailié.






Leonard est un adolescent de 15 ans, cloîtré dans une vie morne (un père malade, une petite amie ingérable, des copains délinquants...), dans une ville qui s'étiole autour des vestiges d'une usine chimique abandonnée qui pourrit la nature et fait mourir les ouvriers. Mais Leonard s'évade, ce sont les livres qui le portent, le transportent loin de cette atmosphère putride et irrespirable. Leonard est aussi porté par un optimisme lyrique :

"C’était la ville qu’il fallait démolir, l’Intraville et l’Extraville, les alignements d’immeubles et les villas, les pauvres et les riches, tout. Il fallait tout abattre et tout recommencer. Alors les gens pourraient commencer à s’en aller plus loin, à s’en aller dans le monde pour éduquer les autres, allant de place en place, ramenant le plaisir d’être en vie."

Des enfants des villages voisins viennent hanter les lieux. Au fil des années des écoliers disparaissent dans l'indifférence générale. Selon les policiers, il s'agit de fugueurs...

Entre scandale écologique, disparitions, meurtres, affairistes véreux et chronique adolescente, il est difficile de ranger ce roman dans une case tant il est inclassable.

"La Maisons muette" commence ainsi : "Nul ne pourrait dire que ce fut un choix de ma part de tuer les jumeaux, pas plus qu'une décision de les mettre au monde."  Dès les premières lignes, le protagoniste nous fait part de l'échec de son expérience scientifique : l'euthanasie active de ses jumeaux en bas âge.

"Je compris d'emblée que c'était une erreur de considérer les jumeaux comme mes enfants, quelle que soit la réalité biologique. Seule une imperfection du langage assimile parenté et possession, or, en l'occurrence, la parenté était fortuite. Je n'avais pas de lien réel avec les êtres qui occupaient la pièce du sous-sol où ils pleuraient et se souillaient, s'agrippaient à une vie à laquelle j'aurais aisément pu mettre un terme à l'aide d'une bassine d'eau ou d'une longueur de ficelle".

Ce roman soulève plusieurs questions métaphysiques : quelle est la part de l'innée et de l'acquis dans le langage, ou encore quel est le mystère de l'existence ? Comme toujours avec John Burnside, il est difficile de coller l'étiquette "thriller" tant la poésie fait corps avec le texte...

Roman paru en 1997

dimanche 7 avril 2013

"Il était une fois en France" ou la vie de Monsieur Joseph

"Il était une fois en France", L'Empire de Monsieur Joseph, est le premier tome d'une série de six albums racontés par Fabien Nury et Sylvain Vallée. Les fans de bandes dessinées connaissent bien ces deux patronymes. Le premier est le scénariste des séries "West" et "Je suis Légion". Ensemble, ils ont été plusieurs fois primés et récompensés au Festival d'angoulême.

Album paru aux éditions Glénat

Photo de Joinovici, préfecture de Police

"Il était une fois en France", L'Empire de Monsieur Joseph, nous invite à revivre une période (sombre) de l'histoire de France, celle de la résistance et de la collaboration grâce au travail extrêmement bien documenté de Fabien Nury.

Monsieur Joseph est un immigré Juif roumain qui va devenir un des hommes les plus riches de France en faisant commerce de la ferraille sous l'Occupation. C'est un personnage très controversé.

Héros ou salaud ? L'album met en évidence toute la difficulté  qu'il y a à comprendre cette période trouble. Tous les bons ingrédients y sont : personnages ambigus, importance du pouvoir, mais aussi profondeur de l'âme humaine avec ses faiblesses et ses failles. 

L'intelligence des dialogues et la qualité des dessins (expressions des personnages, couleurs des planches...), met subtilement en lumière de nombreuses facettes, pas si faciles à appréhender et à juger qu'il n'y paraît au premier regard ou à la première lecture.

Un juge attend le retour de Monsieur Joseph  (page 7)

Arrivée de Joseph et Eva à Clichy (page 23)

Si vous aimez les BD historiques, cette série vous laissera pas indifférent. A acheter les yeux fermés !

vendredi 5 avril 2013

Vous en reprendrez bien un peu ? !

A l'instar de beaucoup de fans de Jean Teulé, je me suis précipitée pour acheter son dernier ouvrage "Fleur de tonnerre", paru il y a quelques semaines, chez Julliard.

Comme bon nombre de lecteurs de Jean Teulé, j'apprécie sa capacité à associer faits historiques et humour (noir). "Fleur de tonnerre" recèle tous les bons ingrédients. Ce livre nous entraîne dans un périple breton où foisonnent les croyances les plus incroyables.

Fleur de tonnerre c'est Hélène Jégado (tristement) bien connue en Bretagne pour avoir été la serial  empoisonneuse numéro 1.

Après l'usage des baies de belladone, Hélène passe à la vitesse supérieure en pratiquant son "art" avec la reusenic'h (!) achetée chez le pharmacien. Cette poudre blanche, initialement prévue pour exterminer les rats, servira à d'autres bien sombres desseins...

Couverture du livre "Fleur de tonnerre", paru en 2013.

Suite au "glissement" d'une malheureuse innocente, Hélène, inquiète veille au respect des traditions ! ...

"Après le dernier soupir, il faut éteindre les chandelles pour le passage de l'âme et aussi faire attention que celle-ci ne fasse tourner le lait ou ne se noie dans l'eau du broc. Voilà, c'est fait. Je suis épuisée. Maintenant, j'aurais bien besoin de sortir prendre un petit remontant, moi !"

De passage chez des soeurs, où elle n'aura pu (et ce n'est pas faute d'avoir essayé !), estourbir deux ou trois nonnes au passage, Hélène est renvoyée...

"Sortez de ce couvent, Hélène. Votre affaire fera le tour des lieux saints du Morbihan où vous ne trouverez plus jamais un emploi. En revanche, je ne relaterai pas en ville les événements extraordinaires qui se sont déroulés chez nous car vous seriez capable de dire que vous n'y êtes pour rien et alors les paysans raconteraient, dans les veillées des campagnes, que ce sont des korrigans*, fées, sirènes, Poulpiquets* velus qui ont fait le coup... ou je ne sais quelle créature folklorique sortie de ces terres druidiques."

* voir en fin de billet

On ne répétera jamais assez l'importance de maîtriser les langues étrangères voire régionales ! Notre Fleur de tonnerre arrivant chez un nouvel employeur...

A celui qui a ouvert et aimerait savoir : " Et vous, qui êtes-vous ?", tout en allant grimper les marches de la maison, la femme de Plouhinec répond en breton :
- On m'appelle Hélène. Sinon, qui je suis vous l'apprendrez bientôt... à vos dépens".

Hélène sait bien que lorsque l'on aime, on ne compte pas ! Ainsi, au fil des décennies, c'est une soixantaine d'individus (homme, femmes, enfants et nourrissons !), qu'elle va consciencieusement dézinguer, à tour de bras, à travers toute la Bretagne.

La veille de son exécution, le 26 février 1852, Hélène Jégado confie à son bourreau :

"Lorsqu'ils évoquaient devant moi l'Ankou, je me souviens de la terreur de mes parents : quand on entendait dehors un bruit répété trois fois, les longs cheveux de mon père devenaient raides et ma mère paniquait. Je voyais l'importance de l'Ankou dans la famille, me disais "Je deviendrai importante. Je deviendrai ce qui les intéresse". Du coup, j'ai tué mes parents, mes tantes maternelles, ma soeur".

"Je suis devenue l'Ankou pour surmonter mes angoisses. Et ensuite je n'en avais plus puisque l'angoisse ce fut moi. "Je ne subirai plus leur peur. C'est moi qui déciderai"....

" ... Je ne disculpe ni n'accuse, j'explique !... Les peurs de mes parents m'ont tellement fait peur ! Ils m'ont donné leur peur et le sol a vacillé. J'ai eu trop peur lors des veillées. Quand les parents sont tétanisés par une peur, ils ne protègent pas. C'est vraiment impressionnable, les enfants, merde ! s'énerve-t-elle. En fait, quand les parents ont tellement peur, ils projettent leur peur sur les petits et il n'y a plus de protection, quoi ! Et alors après..."

Tout est dit.
Mesdames et messieurs les parents, méditez bien !


* Illustrations informatives.
Le Korrigan, comme son nom l'indique
Le Poulpiquet, comme son nom l'indique

mercredi 3 avril 2013

Deux livres passionnants à lire sur la Corée du Nord

Il est des contrées plus fascinantes les unes que les autres. Certaines le sont pour leur situation géographique, leurs trésors naturels, leur passé historique, leurs merveilles en architecture, etc. Il en est une qui hypnotise la planète, depuis les années 50, c'est la Corée du Nord. Ce petit pays communiste totalement exsangue, dirigé par une dynastie de gros bébés dictateurs joufflus, captive autant qu'il attriste, en raison de sa totale absurdité.

"Rescapé du camp 14" et "Nouilles froides à Pyongyang", deux livres parus récemment, racontent la vie en Corée du Nord. Le premier est un témoignage d'un Nord-Coréen qui a fui son pays, le second est le point de vue d'un occidental en "reportage". Les deux donnent à leur manière, bien évidemment, un ressenti très différent. Ni larme, ni voyeurisme dans ces deux ouvrages. Juste une retranscription des émotions ressenties, des situations endurées avec des mots simples et directs. Deux documents extrêmement intéressants et complémentaires.




"Rescapé du camp 14", de l'enfer Nord-coréen à la liberté", de Blaine Harden, édité aux éditions Belfond. C'est un livre écrit à quatre mains, entre un journaliste fin connaisseur de l'Asie et Shin Dong-hyuk, jeune homme trentenaire né dans un camp de travail.

"Il a fallu des mois à Shin pour comprendre ce qu'on l'avait autorisé à voir. Le document expliquait pourquoi la famille de son père avait été enfermée au Camp 14.
Le crime impardonnable du père de Shin était d'être le frère de deux hommes qui s'étaient enfuis au Sud pendant une guerre fratricide qui avait rasé presque toute la péninsule coréenne et divisé des centaines de milliers de familles. Le crime impardonnable de Shin était d'être le fils de son père - qui ne lui avait jamais rien expliqué de tout ça."

"Fin janvier 2005, quand Shin marche vers la Chine avec des cigarettes et des biscuits, la fenêtre permettant un passage sans guère de risque de l'autre côté de la frontière commence certainement à se refermer, mais il a de la chance : les ordre venus d'en haut n'ont pas encore modifié le comportement des quatre misérables soldats que Shin croise le long du Tumen : ils sont toujours avides de pots-de-vin".
Après de nombreuses péripéties, Shin parvient en Corée du Sud. "Je ne veux pas critiquer ce pays, m'a confié Shin le jour de notre première rencontre, mais je dirais que, sur la population totale de Corée du Sud, seul 0,001 pour cent des gens s'intéresse vraiment à la Corée du Nord. Leur mode de vie leur permet pas de penser à ce qui se passe au-delà de leur frontière. A leurs yeux, il n'y a rien, là-bas".

"Nouilles froides à Pyongyang" de Jean-Luc Coatalem, chez Grasset, nous procure une autre vision. Celle d'un reporter qui se fait passer pour un responsable d'agence de voyages en reconnaissance à Pyongyang, en compagnie de son ami, Clorinde. Jean-Luc Coatalem sait manier le style et user de réflexions teintées d'ironie, à bon escient.
L'auteur parvient à nous faire prendre part à son épique voyage, à nous associer à cette atmosphère surréaliste.

"En prévision de ce périple, je n'ai emporté ni journaux (interdits), ni téléphone portable (il serait confisqué), ni ordinateur, ni même de lecteur MP3..."

"Parler à un inconnu, sans raison précise, si j'ose dire "naturellement", dans un ascenseur ou sur le parking où sont garées les quelques estafettes à touristes, relève de la gageure. Si je tente ma chance, les gars en restent bouche bée, abasourdis par tant d'audace. Et reculent comme on s'efface, roulant des yeux, ne s'excusant pas. Inutile de les rattraper, ils cavaleraient en zigzag, criant à l'inconscient."

"... Lorsque j'évoquerai en termes prudent le destin de l'Egyptien Hosni Moubarak, qui rappelait celui du Tunisien Ben Ali, la libération des peuples qui s'est ensuivie, mon guide se prendra le visage entre les mains pour murmurer, apparemment sous le choc : "Oh, non ! les pauvres". Il parlait des infortunés dictateurs".


Ces deux livres affichent le même (triste) constat : "... Si les frontières s'ouvraient, le Sud aurait à supporter, à l'exemple de l'Allemagne de l'Ouest avec la RDA, la remise à niveau des vingt-quatre millions de Nord-Coréens, échappés des geôles d'un Moyen Age contemporain. Le coût ? Des centaines de milliards d'euros. Pour un résultat hypothétique - Séoul exigerait que les Nordistes ne déferlent pas chez elle, quitte à respecter une séparation territoriale. Réunifiés certes mais chacun chez soi ! Un comble ! De quoi faire vaciller le Sud de toute façon..."

Personne n'ayant grand intérêt à voir les deux pays se réunir, le "Génie aux dix mille talents", alias le "Président éternel", alias le "Cerveau parfait", alias le "Père de l'Humanité", etc, etc. a encore de beaux jours devant lui...

Comme disait Kim Il-sung, qui continuerait à conseiller son fils Kim Jong-un... par-delà la mort, grâce aux forces de l'esprit (si, si) : "Le livre est un professeur silencieux et un compagnon de vie".

Ce blog est consacré aux livres, mais ne soyons pas sectaires ! Pour celles et ceux qui souhaitent voir un beau reportage photos sur la Corée du Nord, cliquez ici.