jeudi 22 août 2013

La cuisinière d'Himmler : un roman goûteux à savourer sans attendre !

Comme son titre ne l'indique pas du tout, "La Cuisinière d'Himmler" de Franz-Olivier Giesbert n'est ni un livre historique ni un livre politique. C'est un vrai bon roman sur l'optimisme et la joie de vivre ! 400 pages de drôlerie et de pur bonheur. Un régal tant pour les mots que pour les papilles.

Couverture de l'édition grand format

Rose, cuisinière de son état, entretient un tic mono maniaque avec la vengeance. Elle dézingue ses ennemis à tour de bras, se balade à travers le monde avec sa salamandre qui lui souffle dans les esgourdes ce qu'elle n'a pas envie d'entendre... Bref, Rose est un personnage haut en couleur, une femme unique !

Ceci est l’épopée drolatique d’une cuisinière qui n’a jamais eu peur de rien. Personnage loufoque et truculent, Rose a survécu aux abjections de cet affreux XXe siècle qu’elle a traversé sans rien perdre de sa sensualité ni de sa joie de vivre. Entre deux amours, elle a tout subi : le génocide arménien, les horreurs du nazisme, les délires du maoïsme. Mais, chaque fois, elle a ressuscité pour repartir de l’avant. Grinçant et picaresque, ce livre raconte les aventures extraordinaires d’une centenaire scandaleuse qui a un credo : «Si l’Enfer, c’est l’Histoire, le Paradis, c’est la vie.»


Rose est une philosophe, une amoureuse de la vie, elle cueille et savoure les petits bonheurs du jour comme autant de trésors. Alors que certains maudissent la routine quotidienne, Rose la vénère...

Au risque de paraître niaise, ce qui est sans doute ma vraie nature, je dirais que c'est ça , le bonheur : quand les jours se succèdent aux jours dans une sorte de torpeur, que le temps s'allonge a l'Infini, je le événements se répètent sans surprise, que tout le monde s'aime et qu'il n'y a pas de cris dehors ni dans la maison quand on s'endort à côté de son chat. (page 29)

Rose est une amoureuse des livres, qu'elle consomme à tour de bras...

"Tu les as tous lus ? Demandai-je.
- J'espère que je les aurai tous lus avant de mourir.
- A quoi ça sert de mourir cultivé ?
- À ne pas mourir idiot."
(page 120)

Rose est drôle et ne manque pas de piquant même dans les moments les plus sombres...

" Hélas, madame, la police est venue les prendre. Un commissaire m'a dit que c'était le jour de ramassage des Juifs, tous les Juifs.
- Les enfants aussi ?
- Le enfants aussi, qu'est-ce que vous croyez ? La police prend tout, chez les Juifs les petits, les vieux et les bijoux, mais pas les chats. Elle laisse toujours les chats. C'est un problème. J'en ai déjà récupéré cinq..." (page 216)

"La cuisinière d'Himmler" est l'occasion pour Franz-Olivier Giesbert de remettre les pendules à l'heure, d'égratigner au passage quelques intellectuels, qui en dépit d'un aveuglement sans limite ont paradoxalement été encensés par l'intelligentsia de l'époque (Drumont, Sartre...)

Rose a des convictions et une haine inextinguible, cet autre passage ne laisse aucun doute sur ce trait de caractères : "Dans la liste de mes haines, j'avais ajouté les noms de plusieurs intellectuels, et mon choix s'est finalement porté sur Louis Althusser, l'un des papes de Saint-Germain-des-Prés, qui a suivi un parcours somme toute logique : stalinien, maoïste, puis dément. N'ayant pas le courage de se tuer lui-même, il a étranglé sa femme longtemps après." (page 324)



A lire absolument !

Franz-Olivier Giesbert se glisse à merveille dans les habits de cette vieille femme optimiste et rebelle qui n'a pas été épargnée par la vie.
Il parvient à créer une telle proximité amoureuse avec son personnage que l'on pourrait croire que Rose est une version de FOG au féminin.

Ce roman ne laissera pas vos papilles indifférentes... L'auteur offre dans les dernières pages quelques unes des recettes fétiches de notre cuisinière. Je vous livre celle de la tarte aux fraises à l'américaine ou "Strawberry shortcake" du "Frenchy's". Vous m'en direz des nouvelles !



samedi 17 août 2013

EMERGENCY 911, un bon polar à découvrir... La preuve ici !

Camilla Läckberg est peut-être le bateau amiral de la collection Actes Noirs d'Acte Sud, il existe néanmoins de très bons auteurs de polars moins "starifiés" et qui n'ont pas (encore ?) été gagnés par la maladie contagieuse du "copier/coller" ou "CRTL C / CTRL V" pour les initiés ! J'arrête là car je sens monter en moi comme une onde de mauvais esprit qui ne demande qu'à jaillir.*

Concentrons sur le cas Ryan David Jahn, l'auteur d'Emergency 911.

Couverture "Emergency 911"
4ème de couv'... pour avoir une petite idée !

Dès les premières pages d'Emergency 911, l'auteur entre dans le vif du sujet. Ni perte de temps, ni temps mort. L'histoire se met en place : Ian, préposé aux appels en détresse au bureau du Shérif, reçoit un coup de téléphone de sa fille Maggie disparue sept ans auparavant... Celle-ci raccroche précipitamment.

"Les cercueils ne peuvent pas contenir les souvenirs, et la terre ne peut pas les enfouir...
Ian secoue la tête
"Non, dit-il. Y'a pas de corps a retrouver. Elle est en vie".
Et elle n'a plus sept ans, elle n'est plus figée dans le temps. Elle a quatorze ans, elle en aura quinze en septembre, et aujourd'hui elle l'a appelé à l'aide. Elle lui a parlé au creux d l'oreille.
Il ne la laissera plus jamais mourir."

Dès lors, Ian va désespérément tout mettre en oeuvre pour la retrouver, la sauver, réparer son absence et dépasser sa culpabilité pour enfin revivre.

La psychologie des personnages est travaillée, étudiée, terriblement bien menée et réussie ! Comment monsieur Tout le Monde peut arriver à des extrémités dans le crime par "amour", comment il vole des vies pour rendre vivable la vie de celle qu'il aime.

Combien de tortionnaires se cachent derrière des masques de "braves types" ?

"Il connaît tout le monde en ville, et tout le monde le connait. Et les gens l'apprécient, pour la plupart. Évidemment, c'est parce qu'ils ne le connaissent pas vraiment, pour eux il est toujours en train de sourire, de donner des petites tapes dans le dos, de demander des nouvelles des épouses des uns et des autres - mais ils sont nombreux, les gens qui montrent leur vrai visage ? Pourquoi vous croyez qu'on a une peau ? C'est bien pour cacher ce qu'il y à en dessous : ce qui est moche. Enlevez la peau et qu'est-ce qui reste ? Rien avec quoi vous auriez envié de taper la conversation."

Avec le personnage d'Henry (le meurtrier), Ryan David Jahn, mêle humour noir et noirceur d'âme avec brio. Ainsi, avant d'exécuter une énième victime Henri n'oublie pas sa bonne morale chrétienne...

"J'imagine que vous avez compris que c'était votre tour, dit Henry. Je pense pas que ça soit d'une grande consolation, mais sachez qu'on est chrétiens et qu'on dira une prière sur votre tombe au moment de vous enterrer." Tout de suite, la mort semble plus douce...

Vous l'aurez compris Emergency 911 n'est pas seulement un polar qui dézingue à tout va, c'est aussi un roman avec de jolis passages :

"C'est Burroughs qui avait raison : l'Amérique n'est pas un jeune pays. L'Amérique est vieille, sale, mauvaise. Elle était là depuis des millions d'années, à attendre, silencieuse ; elle était la terre de bêtes qui ne connaissaient que le langage de la chasse et de la violence, et elle attendait ; depuis une éternité elle était mauvaise, dangereuse, et elle attendait."

C'est un roman que l'on ferme à regret tant on aimerait savoir comment Ian va renouer les relations avec son fils, avec son ex femme devenue veuve, comment Maggie va réapprendre à vivre... Même s'il n'y a pas trop d'inquiétude à avoir pour Maggie...

"Il dit à Maggie qu'elle est la personne la plus courageuse, la plus forte qu'il n'ait jamais connue. Il lui dit : Tu es un miracle."

Je vous encourage vivement à plonger tête la première dans Emergency 911 durant vos vacances !

* Après mûre réflexion, une petite mise au point s'impose (gentille, bien évidemment). Ne manquez pas les prochains jours un post sur l'écrivaine de polars la plus tartignolle du grand froid.