mercredi 3 avril 2013

Deux livres passionnants à lire sur la Corée du Nord

Il est des contrées plus fascinantes les unes que les autres. Certaines le sont pour leur situation géographique, leurs trésors naturels, leur passé historique, leurs merveilles en architecture, etc. Il en est une qui hypnotise la planète, depuis les années 50, c'est la Corée du Nord. Ce petit pays communiste totalement exsangue, dirigé par une dynastie de gros bébés dictateurs joufflus, captive autant qu'il attriste, en raison de sa totale absurdité.

"Rescapé du camp 14" et "Nouilles froides à Pyongyang", deux livres parus récemment, racontent la vie en Corée du Nord. Le premier est un témoignage d'un Nord-Coréen qui a fui son pays, le second est le point de vue d'un occidental en "reportage". Les deux donnent à leur manière, bien évidemment, un ressenti très différent. Ni larme, ni voyeurisme dans ces deux ouvrages. Juste une retranscription des émotions ressenties, des situations endurées avec des mots simples et directs. Deux documents extrêmement intéressants et complémentaires.




"Rescapé du camp 14", de l'enfer Nord-coréen à la liberté", de Blaine Harden, édité aux éditions Belfond. C'est un livre écrit à quatre mains, entre un journaliste fin connaisseur de l'Asie et Shin Dong-hyuk, jeune homme trentenaire né dans un camp de travail.

"Il a fallu des mois à Shin pour comprendre ce qu'on l'avait autorisé à voir. Le document expliquait pourquoi la famille de son père avait été enfermée au Camp 14.
Le crime impardonnable du père de Shin était d'être le frère de deux hommes qui s'étaient enfuis au Sud pendant une guerre fratricide qui avait rasé presque toute la péninsule coréenne et divisé des centaines de milliers de familles. Le crime impardonnable de Shin était d'être le fils de son père - qui ne lui avait jamais rien expliqué de tout ça."

"Fin janvier 2005, quand Shin marche vers la Chine avec des cigarettes et des biscuits, la fenêtre permettant un passage sans guère de risque de l'autre côté de la frontière commence certainement à se refermer, mais il a de la chance : les ordre venus d'en haut n'ont pas encore modifié le comportement des quatre misérables soldats que Shin croise le long du Tumen : ils sont toujours avides de pots-de-vin".
Après de nombreuses péripéties, Shin parvient en Corée du Sud. "Je ne veux pas critiquer ce pays, m'a confié Shin le jour de notre première rencontre, mais je dirais que, sur la population totale de Corée du Sud, seul 0,001 pour cent des gens s'intéresse vraiment à la Corée du Nord. Leur mode de vie leur permet pas de penser à ce qui se passe au-delà de leur frontière. A leurs yeux, il n'y a rien, là-bas".

"Nouilles froides à Pyongyang" de Jean-Luc Coatalem, chez Grasset, nous procure une autre vision. Celle d'un reporter qui se fait passer pour un responsable d'agence de voyages en reconnaissance à Pyongyang, en compagnie de son ami, Clorinde. Jean-Luc Coatalem sait manier le style et user de réflexions teintées d'ironie, à bon escient.
L'auteur parvient à nous faire prendre part à son épique voyage, à nous associer à cette atmosphère surréaliste.

"En prévision de ce périple, je n'ai emporté ni journaux (interdits), ni téléphone portable (il serait confisqué), ni ordinateur, ni même de lecteur MP3..."

"Parler à un inconnu, sans raison précise, si j'ose dire "naturellement", dans un ascenseur ou sur le parking où sont garées les quelques estafettes à touristes, relève de la gageure. Si je tente ma chance, les gars en restent bouche bée, abasourdis par tant d'audace. Et reculent comme on s'efface, roulant des yeux, ne s'excusant pas. Inutile de les rattraper, ils cavaleraient en zigzag, criant à l'inconscient."

"... Lorsque j'évoquerai en termes prudent le destin de l'Egyptien Hosni Moubarak, qui rappelait celui du Tunisien Ben Ali, la libération des peuples qui s'est ensuivie, mon guide se prendra le visage entre les mains pour murmurer, apparemment sous le choc : "Oh, non ! les pauvres". Il parlait des infortunés dictateurs".


Ces deux livres affichent le même (triste) constat : "... Si les frontières s'ouvraient, le Sud aurait à supporter, à l'exemple de l'Allemagne de l'Ouest avec la RDA, la remise à niveau des vingt-quatre millions de Nord-Coréens, échappés des geôles d'un Moyen Age contemporain. Le coût ? Des centaines de milliards d'euros. Pour un résultat hypothétique - Séoul exigerait que les Nordistes ne déferlent pas chez elle, quitte à respecter une séparation territoriale. Réunifiés certes mais chacun chez soi ! Un comble ! De quoi faire vaciller le Sud de toute façon..."

Personne n'ayant grand intérêt à voir les deux pays se réunir, le "Génie aux dix mille talents", alias le "Président éternel", alias le "Cerveau parfait", alias le "Père de l'Humanité", etc, etc. a encore de beaux jours devant lui...

Comme disait Kim Il-sung, qui continuerait à conseiller son fils Kim Jong-un... par-delà la mort, grâce aux forces de l'esprit (si, si) : "Le livre est un professeur silencieux et un compagnon de vie".

Ce blog est consacré aux livres, mais ne soyons pas sectaires ! Pour celles et ceux qui souhaitent voir un beau reportage photos sur la Corée du Nord, cliquez ici.

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