vendredi 12 avril 2013

John Burnside ou l'art subtile de la perversité

Exit la grosse cavalerie ! John Burnside, écrit tout en subtilité (il faut avouer que le monsieur est poète). Cet auteur écossais a écrit plusieurs romans qu'il est difficile de classer de suite dans la catégorie "thriller" tant il mêle beauté de l'écriture et raffinement dans la cruauté la plus noire. A chaque opus, il nous livre un texte littéraire rare, composé avec une vraie précision chirurgicale dans la dissection des chairs et des âmes. Un "savoureux" mélange poétique et cruel à la fois. Je vous propose de découvrir deux de ses romans : "Scintillation" et "La Maison muette" (qui est son premier roman).

Roman paru en 2011, aux éditions Métailié.






Leonard est un adolescent de 15 ans, cloîtré dans une vie morne (un père malade, une petite amie ingérable, des copains délinquants...), dans une ville qui s'étiole autour des vestiges d'une usine chimique abandonnée qui pourrit la nature et fait mourir les ouvriers. Mais Leonard s'évade, ce sont les livres qui le portent, le transportent loin de cette atmosphère putride et irrespirable. Leonard est aussi porté par un optimisme lyrique :

"C’était la ville qu’il fallait démolir, l’Intraville et l’Extraville, les alignements d’immeubles et les villas, les pauvres et les riches, tout. Il fallait tout abattre et tout recommencer. Alors les gens pourraient commencer à s’en aller plus loin, à s’en aller dans le monde pour éduquer les autres, allant de place en place, ramenant le plaisir d’être en vie."

Des enfants des villages voisins viennent hanter les lieux. Au fil des années des écoliers disparaissent dans l'indifférence générale. Selon les policiers, il s'agit de fugueurs...

Entre scandale écologique, disparitions, meurtres, affairistes véreux et chronique adolescente, il est difficile de ranger ce roman dans une case tant il est inclassable.

"La Maisons muette" commence ainsi : "Nul ne pourrait dire que ce fut un choix de ma part de tuer les jumeaux, pas plus qu'une décision de les mettre au monde."  Dès les premières lignes, le protagoniste nous fait part de l'échec de son expérience scientifique : l'euthanasie active de ses jumeaux en bas âge.

"Je compris d'emblée que c'était une erreur de considérer les jumeaux comme mes enfants, quelle que soit la réalité biologique. Seule une imperfection du langage assimile parenté et possession, or, en l'occurrence, la parenté était fortuite. Je n'avais pas de lien réel avec les êtres qui occupaient la pièce du sous-sol où ils pleuraient et se souillaient, s'agrippaient à une vie à laquelle j'aurais aisément pu mettre un terme à l'aide d'une bassine d'eau ou d'une longueur de ficelle".

Ce roman soulève plusieurs questions métaphysiques : quelle est la part de l'innée et de l'acquis dans le langage, ou encore quel est le mystère de l'existence ? Comme toujours avec John Burnside, il est difficile de coller l'étiquette "thriller" tant la poésie fait corps avec le texte...

Roman paru en 1997

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire