lundi 17 décembre 2012

"Nous étions des êtres vivants" : un livre injustement passé inaperçu !

La lecture de la presse hexagonale nous convainc un peu plus chaque jour de la déliquescence des entreprises françaises... Nous n'avons pas vu Nathalie Kuperman grimpée sur une barricade, adresser une harangue à la foule, brandir son livre à bout de bras ! Dommage... Peut-être en aurions-nous, ainsi, entendu un peu plus parler !

Publié en 2010, aux Editions Gallimard, "Nous étions des êtres vivants", n'a pas eu l'écho, le retentissement médiatique mérité !

Couverture de l'édition Gallimard.
La 4ème de couverture

L'entreprise Mercandier Presse vient d'être rachetée. Le quotidien des salariés est bouleversé. Les repères inchangés, depuis des années, sont bousculés, les attitudes changent, les pions se placent, les individus compétents mais fragiles sont anéantis.

Le plus étrange est à quel point Nathalie Kuperman a su saisir l'atmosphère si particulière qui règne dans ces entreprises, pour retranscrire les émotions et les situations humaines avec une telle justesse. Toutes les bassesses sont là :

Page 57 : "Nous savons pourtant que la chance d'être ensemble s'arrêtera là où chacun devra tirer son épingle du jeu. Tirer son épingle du jeu est une expression qu'aucun de nous n'ose prononcer, mais qui fait loi, qui nous meut, nous fait errer dans le couloir en imaginant que quelque chose reste possible, en dépit de tout car nous sommes des êtres vivants, et que la vie en nous ne demande que ça : s'adapter au pire".

La plume incisive de l'auteure, décrit à merveille les ressorts mis en place, par la nouvelle direction, et appliqués à la lettre par les anciens salariés élus pour orchestrer et accomplir la basse besogne.

Ainsi, à la page 135, on peut lire :

"... Point positif : talentueuse. Elle retrouvera un poste à sa mesure et à la hauteur de ses compétences. Aucune inquiétude la concernant.
- L'obliger à partir, c'est lui rendre service.
Ainsi va le déni.
Ainsi se transforment les saloperies en bonnes actions.
Ainsi sont lavées les consciences.
Ainsi peut-on menacer, dénoncer, trahir et penser que l'on participe au grand assainissement nécessaire pour sauver une société malade".

Roman ? Ce n'est pas certain ! Tout est mis en évidence avec une telle clairvoyance ! Les méthodes de Mercandier Presse ne rappellent que trop celles d'une autre époque...

Nous sommes dans la soumission au pouvoir.

Voyez un peu, page 148, la toute fraîchement nommée directrice générale, Muriel Dupont-Delvich, désigne une collègue pour le départ :

"... J'ai donné Ariane Stein.
Et je m'en veux d'éprouver du remords.
J'ai donné Ariane Stein.
Maintenant que je ne serai plus là, cette décision me semble d'autant plus injuste. je lui retire ses chances de progresser sans moi.
J'ai donné Ariane Stein.
Il va falloir que je m'explique.
Pourquoi elle ?
Pour effacer les traces de nos disconvenances. Elle et moi, c'était elle ou moi".

Puis, qui dit soumission, dit aussi : résistance.

La même, Muriel Dupont-Delvich, en tête-à-tête avec Paul Cathéter, son PDG, alias "Gros Porc" (!) :

"Mon père a perdu la mémoire, voyez-vous. Il est atteint de la maladie d'Alzheimer. Il ne supporterait pas, s'il avait toute sa tête, de savoir que je plie sous le joug de votre gouvernance.
- Mais vous parlez du joug de ma gouvernance et, là, franchement, je ne vois pas le rapport.
- Le rapport, c'est que mon père me traiterait de collabo s'il savait que je vous ai livré un nom. Il ne me le pardonnerait pas".

"Nous étions des êtres vivants" est assurément un livre qu'il faut lire ! Tout d'abord, parce qu'il est bien écrit mais aussi et surtout parce ce qu'il nous livre avec talent et finesse une tranche de vie de notre (malheureuse) époque.

Le roman est disponible dans tous les formats. En poche, aux éditions Folio à 5,95 €, et au format numérique (epub ou pdf à 5,99 €) chez Gallimard. Vous lisez bien, le numérique est plus cher que le papier !

Disponible également chez Amazon, version Kindle (à 5,99 €), mais là, c'est la version papier qui est moins onéreuse : 5,65 €. Il y en a pour tous les goûts...

Par les temps que nous traversons, je suis certaine que vous trouverez bien à qui l'offrir à Noël !

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