dimanche 27 avril 2014

Sigmaringen, il y a tant à en dire... 3 livres à (re)lire

"Sigmaringen", est le titre du dernier roman de Pierre Assouline. Sur la couverture on peut découvrir l'illustration du célèbre château des Hohenzollern, famille princière qui règne sur ce domaine du Danube depuis 1077. Sigmaringen fût aussi une enclave française entre 1944 et 1945. Dernière résidence d'un gouvernement en déroute. Philippe Pétain, Pierre Laval, Joseph Darnand, Marcel Déat et bien d'autres y ont été les hôtes, contraints ou non.

"Sigmaringen" n'est pas un livre historique, c'est avant tout un roman sur l'obéissance et la dévotion à sa charge et à son maître. A l'instar, du livre de Kazuo Ishiguro"The Remains of de Day", le protagoniste est un majordome attaché au service du Prince. Julius Stein a tout appris du métier de son oncle...

Livre paru aux éditions Gallimard


"Mon oncle vivait là. Tout le monde l'appelait le vieil Oelker. Comme mon père, il avait voué son existence au service des Hohenzollern, ceux de la branche catholique de Sigmaringen, cela va sans dire. C'était un grand majordome. L'un de ceux dont on a pu dire dans les châteaux de Prusse et de Saxe qu'il était l'honneur du métier. Une figure dans ce milieu. Il m'a tout appris, à commencer par ce principe : un bon majordome se doit de partager avec le seigneur ce qui fait le fondement de la distinction, à savoir l'impassibilité. Surtout ne rien laisser paraître de ses sentiments. Ne pas abandonner son personnage professionnel au profit de sa personne privée. Ne jamais renoncer au premier, qui l'habite, pour céder au second, qui l'encombre. Rien ne doit l'ébranler ni même le perturber. Ni un choc ni une nouvelle. Le contrôle de soi est un absolu, quitte à paraître coincé, inhibé, inexpressif. Il doit avoir si bien intériorisé la retenue qu'elle est devenue une seconde peau. Lorsqu'il se trouve dans une pièce, elle semble encore plus vide. La présence de l'intendant d'une maison princière est aussi permanente qu'invisible." 
Page 151-152

Julius va vivre une romance avec une gouvernante servant le maréchal Pétain. Celle-ci se révélera être une espionne... En parcourant les 350 pages du roman, vous rencontrerez le docteur Destouches...

"Soudain un individu de grande taille, voûté, maigre mais solide, frappant par son regard halluciné, entra dans le café, provoquant, par sa seule présente magnétique, des murmures et des regards par en dessous. Il est vrai que son accoutrement ne passait pas inaperçu, même dans cette ville qui en avait vu d'autres ces derniers temps : deux canadiennes superposées qui ne tenaient que par leur crasse fermées par une ficelle pour toute ceinture, des moufles attachées autour du cou par des épingles doubles, un pantalon trop large, une casquette de chauffeur de locomotive vissée sur la tête, une gibecière en bandoulière et dans une musette un chat, dont la tête émergeait de la boutonnière. Une dégaine qui valait bien celle de l'homme-poubelle... Celui-là, comme vous dites, c'est un très grand écrivain... Louis-Ferdinand Céline." page 146

Vous arriverez sans encombre et sans palpitation de coeur, non plus, à la fin du voyage. La débâcle, les départs précipités des uns et des autres coincés dans cette souricière nauséabonde et le retour à la normalité...

"Quelques instants plus tard, je priai un valet de grimper au mât de la tour pour ramener les trois couleurs, et remplacer le drapeau français par l'étendard des Hohenzollern". Page 322

Je ne m'étendrai pas plus sur le livre de Pierre Assouline...

En revanche, si cette trouble époque retient votre attention (ce dont je ne doute pas !), je ne saurais trop vous conseiller (très, très) vivement deux ouvrages à lire ou à relire.

Le premier est le classique "D'un château l'autre", paru en 1957, signé Louis Ferdinand Céline.

Le second livre est un témoignage exceptionnel !

Il s'agit de "Délirium" de Philippe Druilletparu aux éditions Les Arènes.

Cet auteur est davantage connu comme dessinateur de BD et cofondateur de Métal hurlant et des Humanoïdes Associés, dans les années 70'.
Philippe Druillet a aussi hérité d'une histoire personnelle lourde à porter. Cet ouvrage est un livre-confession sans concession et sans fard. "Mon père était chef de la Milice dans le Gers. Ma mère et lui étaient des fascistes convaincus. En août 1944 — j’avais deux mois à peine —, ils se sont enfuis, bébé en bandoulière, d’abord à Sigmaringen, puis en Espagne. La voilà mon histoire. La voilà ma famille. La voilà ma jeunesse. Depuis trop longtemps, je vis avec les fantômes d’un passé qui me révulse. Aujourd’hui, j’ai décidé de tout envoyer valser et de ne plus rien cacher."

C'est d'ailleurs le docteur Destouches qui soignera le nourrisson à Sigmaringen...

Quelque soit votre choix, bonne lecture !


4 commentaires:

  1. Si je vous ai bien lu, vous n'avez donc pas trop aimé le roman d'Assouline ? Pourtant, il me tentait pas mal...

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  2. Merci d'avoir visité ce modeste blog et de votre commentaire !
    Oui, en effet, je n'ai pas été "emballée" ! Le livre est bien écrit, dans un style très académique (comme toujours avec Assouline). Cependant, je pensais en apprendre davantage sur cette période ! L'histoire de Julius Stein, le majordome, aurait pu prendre place n'importe où ailleurs... Sigmaringen est juste un prétexte.
    Si vous souhaitez lire ce livre, c'est avec plaisir que je vous l'offre ! Laissez-moi une adresse postale sur ma boîte mail (affichée en haut à droite du site).
    Bonne lecture !

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  3. Bonjour, et merci de votre réponse et votre proposition. Mais j'habite en Suisse alors offrez-le plutôt à quelqu'un qui vous coûtera moins cher en frais postaux ;-)

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    1. Je ne vous aurais pas fait une telle proposition s'il s'agissait de "Guerre et Paix" ;)
      Avec "Sigmaringen", les frais postaux ne s'avéreraient pas insurmontables... même pour la Suisse !
      Ma proposition tient toujours.

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