lundi 25 mars 2013

Un libraire-éditeur et un auteur uruguayen. Rien que ça !

Le libraire c'est Jean-Marie Ozanne, un homme très important dans le milieu de la librairie. Il a fondé au début des années 80' la librairie Folies d'encre à Montreuil et participé à la naissance du salon du Livre enfance et jeunesse, toujours à Montreuil. Ce libraire pas comme les autres est aussi le créateur des Editions Folies d'Encre.

Jean-Marie Ozanne a publié "Les lettres qui ne sont jamais arrivées", le premier roman traduit en français de Mauricio Rosencof. Méconnu en France, cet auteur est le fondateur dUn liu mouvement Tupamaros. Il a passé onze années dans les geôles de la dictature uruguayenne.

"Les lettres qui ne sont jamais arrivées" est un roman sur la mémoire, sur les mémoires : de la famille, des lieux, des mots, des souffrances, des petits riens qui font la vie.
C'est l'histoire d'une famille qui a quitté l'Europe pour l'Uruguay afin d'échapper à la barbarie. Seulement tous ne sont pas partis. La famille restée en Europe "s'installe" à Teresienstadt et débute alors une correspondance avec les exilés.

Les semaines passent et Isaac est toujours en attente de nouvelles d'Europe...

"Une nuit, vois-tu, une fille de notre baraquement s'est mise à pousser des hurlements terribles ; une minute plus tard, nous poussions toutes des hurlements sans savoir pourquoi. Pourquoi ? Je pense que cette plainte affligeante qui parfois traverse l'air comme un oiseau sans corps, est l'expression du dernier vestige de la dignité humaine.
C'est un recours, le seul recours, peut-être, qui permette à un homme de laisser une empreinte, de faire savoir à ses semblables comment il a vécu et comment il est mort. Il revendique, avec des cris, son droit à l'existence, il adresse un message au monde extérieur pour réclamer de l'aide et manifester sa résistance. Si plus rien de tout cela n'existe, il ne devrait pas crier..."

"... Lorsque j'étais petite, Isaac, je me demandais où allaient les rêves. Tu rêves et les rêves sont semblables à de l'eau. Où va toute cette eau ? Dans la mer ? Et ensuite, elle se transforme en nuage ? Les rêves, alors, reviennent avec la pluie. Et les cris ? Aujourd'hui, je me pose la question. Où vont-ils ? Ils ne peuvent pas, il ne doivent pas se perdre. Il est impossible qu'ils se perdent, ils ne peuvent pas se dissoudre dans le néant, s'éteindre dans le néant, mourir pour rien, ils ont été créés pour quelque chose. C'est nous qui mourons, chaque matin, pendant que Grete fait sa sélection, toutes les fois qu'un train arrive. Mais pas nos cris, non, pas ce cri.
Dieu fasse que nos cris hantent la mémoire de ceux qui ne savent pas, de ceux qui savent et se taisent, de ceux qui ne veulent pas savoir".

Ce romance n'existe pas (encore) au format numérique.

"Ces lettres ne te parviendront jamais Isaac. Ou si elles te parviennent un jour, alors c'est que nous, nous n'existerons plus. Mais de fait, nous serons encore vivantes.

Peut-être que d'autres écrivent des lettres similaires. Moishe doit savoir que nous les écrivons, pour qu'il sache qu'elles ont été écrites en mémoire de ses oncles, de ses cousins, de ses grands-parents. Nous voulons faire partie de sa mémoire, Isaac.

Chacun d'entre nous fait partie intégrante de la mémoire des autres, générale, collective. Moishe aussi. Moishe fait partie du tout, de tous les autres. Moishe est son chat ainsi que ses parents. C'est aussi le frère qui va mourir et aussi, son ami Fito. Moishe est nous tous.
Ainsi va la nature humaine."

L'histoire se perpétue... Ce fils traumatisé par les violences de la mémoire familiale est à son tour, en autre lieu, autre temps, emprisonné, victime de l'intolérance.


"La scène se déroule dans les bas-fonds de la caserne du septième de cavalerie, basé à Santa Clara de la Frontera. Imagine cette brillante opération de nos Forces Armées : la porte du cachot vient de s'ouvrir et je me retrouve face à deux officiers. Pendant que l'un me menotte, l'autre me dévisage, tranquillement assis sur le tabouret qu'il a emmené avec lui. Une voix résonne : "on est venu te liquider. Regarde où tu veux. Bouge pas. T'es mort". Le militaire arme le percuteur de son 45, braque le colt sur ma tempe, une balle engagée dans le canon, ce lieutenant est dans son rôle de cow-boy prêt à cracher du plomb, le doigt sur la gâchette - cette fois-ci c'est la bonne, adieu camarades - et c'est à cet instant précis qu'en mon for intérieur, façon aimable de tirer ma révérence, j'ai murmuré la Parole".

Ainsi va le monde...

Maurico Rosencof a aussi écrit "El Bataraz" (édité aux Editions Folies d'Encre), un livre poignant relatant son incarcération, en tant que prisonnier politique durant les années 70'. Mais le temps passe, ce sera pour une prochaine fois !

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