samedi 27 septembre 2014

Aux âmes bien nées... attend parfois le nombre des années !

C'est justement le cas de Robert Goddard ! Illustre inconnu il y a encore peu de temps, cet auteur britannique est miraculeusement sorti des limbes de l'oubli, autant chez nos amis Grands-Bretons, que de ce côté-ci de la Manche. Ce romancier a pourtant publié plus d'une vingtaine de romans depuis les années 80. Apparemment ceux-ci sont restés à dormir au fond des caisses ou ont été menés droit au pilon faute de lecteurs !

Il aura fallu attendre 2013 pour (qu'enfin) Robert Goddard connaisse le succès. Comme quoi il ne faut jamais désespérer...

Une amie, lectrice assidue, m'avait vanté les qualités d'un fameux roman policier à énigme, "Le Secret d'Edwin Strafford"*. C'est en effet un excellent livre policier.

Nous sommes en 1977, un ami de jeunesse de Martin Radford, prof universitaire, reprend contact avec lui après des années de silence. Cela tombe à point nommé car Martin a été chassé du monde de l'enseignement suite à un scandale. Sa carrière brisée, son ami lui propose de le rejoindre à Madère. Martin s'envole pour l'île aux fleurs où il rencontre Léo Sellick, un millionnaire sud-américain, qui habite une magnifique villa, qui fut autrefois la propriété du mystérieux Edwin Strafford, mort en 1951.

Edwin Strafford, a été un homme politique de premier plan, promis à un brillant avenir. Ministre de l'intérieur du cabinet Asquith, aux côtés de Lloyd George et de Winston Churchill, il a brusquement disparu de la scène politique, en 1910, quitté Londres pour sombrer volontairement dans l'anonymat, en s'exilant sur l'île de Madère.

Edwin Strafford a laissé dans sa villa un manuscrit de ses mémoires expliquant sa rupture. Léo Sellick va proposer au professeur d'histoire déchu de remonter le temps pour découvrir la vérité.

Roman paru aux éditions Sonatine et au format poche

Martin va enquêter sur une histoire vieille de plusieurs décennies mais qui n'est, finalement, pas achevée... Quel était donc le secret d'Edwin Strafford ? Pourquoi Léo Sellick s'intéresse t-il autant à ce personnage ? Pourquoi proposer le travail à Martin Radford et pas à un enquêteur aguerri ? Etc.

C'est un roman captivant. Dès que l'on met le doigt dans l'engrenage, on est happé par la machine, par les rebondissements, par les énigmes qui s'enchaînent. On ne lâche plus ce livre du début à la fin.

Robert Goddard conjugue, avec intelligence et talent, le suspens,l'Histoire et les intrigues. Il nous offre un voyage fascinant dans le monde du pouvoir, des alliances et des stratégies politiciennes, le tout reposant sur une brillante énigme policière.

"Le Secret d'Edwin Strafford" est le premier roman que j'ai lu de Robert Goddard et ne restera pas le dernier. J'ai d'ores et déjà en ligne de mire "Heather Mallender a disparu" et "Par un matin d'automne" !

Affaire à suivre...

* "Le secret d'Edwin Strafford" a été publié une première fois sous le titre "Les Voies du bonheur", en 1992, aux éditions Belfond.

samedi 20 septembre 2014

Gilles Legardinier ou le remède à la morosité

Depuis quelques années à présent Gilles Legardinier a su s'imposer parmi les auteurs qui montent, qui montent... Si son patronyme ne vous dit peut-être rien, en revanche, les couvertures de ses livres évoquent certainement un sentiment de déjà vu. Des chats tantôt attifés d'accessoires improbables, ou posant dans des postures incongrues toujours avec une couleur vive en toile de fond. C'est la marque universellement reconnaissable de Gilles Legardinier.

Roman paru au format poche chez Pocket

Bon, ça c'est pour la forme, mais pour le fond qu'en est-il ?

Selon toute vraisemblance Gérard Collard, le libraire hyper médiatique, est conquis "400 pages de pur bonheur !" Eh bien, nous aussi on veut du bonheur, même en papier ! Alors, j'ai consciencieusement suivi la prescription du libraire du Magazine de la santé et j'ai avalé deux cachets. Le premier "Demain j'arrête !" et le second "Complètement cramé !" En fin de compte, les cachetons sont-ils efficaces ?

Gilles Legardinier a sans doute été chimiste dans une autre vie. Il a su mettre au point une posologie, savamment étudiée, entre personnages empathiques, situations loufoques et scènes humoristiques tirées au cordeau. On obtient deux romans divertissants à lire.

Dans "Demain j'arrête !", Julie fait une fixette sur son nouveau voisin Ricardo Patatras. Afin de se rapprocher du voisin mystérieux (forcément) et convoité, Julie échafaude des plans abracadabrantesques et se prend joyeusement les pieds dans des situations invraisemblables... Je recommande ce roman, qui réserve une jolie chute, aux inconditionnels "de l'amour éternel qui dure toujours", ils seront ravis.

Pour ma part, j'ai préféré "Complètement cramé !" On chemine, au long des 420 pages, avec Andrew Blake, un riche chef d'entreprise septuagénaire qui, en période de remise en question voire de dépression, quitte son Angleterre natale. Il vient en France, incognito, assumer le poste de butler de Mathilde de Beauvillier, veuve inconsolable au bord de la ruine. Il va intégrer l'équipe existante qu'il va s'efforcer de (res)souder. Andrew va agir, telle une fée, sur cette petite troupe bien disparate. Entre la cuisinière Odile, revêche (en apparence), Manon la femme de chambre aussitôt enceinte aussitôt larguée (pas pour longtemps, je vous rassure), Magnier le contre-maître du domaine et amoureux transi de la cuisinière et "tortionnaire" de Yanis, gamin paumé... Andrew va bien avoir du fil à retordre !

Les situations relatives aux incompréhensions linguistiques, aux différences de savoir-vivre et de style de vie enrichissent les dialogues entre les personnages. D'ailleurs l'expression "complètement cramé !" échappe totalement à Andrew !

La signature de Gilles Legardinier est incontestablement d'avoir une écriture très sensible, je dirais même féminine. Ses personnages principaux prêtent une attention constante aux autres. Ils expriment un sentiment (trop) rare : la bienveillance.
Le chat Mephisto est un personnage clé du roman.


Dans la morosité ambiante et grandissante (malheureusement) dans laquelle nous vivons, il n'est pas étonnant que Gilles Legardinier rencontre un tel succès. Ses romans sont un bon remède pour échapper quelques heures au quotidien. Alors, n'hésitez pas, avalez deux pilules de Gilles Legardinier et vous découvrirez un monde merveilleux où tout se termine bien...

vendredi 12 septembre 2014

Une remarquable étoile dans la galaxie des livres

"Nos étoiles contraires" de John Green est le roman à côté duquel vous ne pouvez pas passer en ce moment ! Les ados en sont fous ! Mais que peut-il bien y avoir dans ce livre pour déchaîner autant de passion ? Certes, la 4ème de couverture est "marketée à mort" avec des avis des plus dithyrambiques. Citons celui de Time Magazine : "ça frôle le génie. Ce livre est tout simplement dévastateur..." (tout de même...)

Pour le savoir, rien de mieux que de lire le livre ! C'est chose faite ! Je comprends en effet que les jeunes (moins de 30 ans) accrochent à "Nos étoiles contraires". Cette histoire tissée autour de l'adolescence, de la maladie, des luttes et des espoirs ne peut laisser le lecteur indifférent. C'est un roman ni larmoyant, ni mièvre.

Hazel Grace Lancaster, une adolescente, est atteinte d'un cancer. Ses parents insistent pour qu'elle participe à un groupe de soutien collectif pour échanger.

"Voilà comment ça se passait... notre groupe de six, sept ou dix arrivait à pied ou en chaise roulante... avant de prendre place dans le cercle de la vérité et d'écouter Patrick débiter pour la millième fois le récit déprimant de sa vie - comment il avait eu un cancer des testicules et aurait dû en mourir, sauf qu'il n'était pas mort et que maintenant il était même un adulte bien vivant..." Page 14

Hazel est lucide. "... tout le monde racontait ses batailles, ses victoires, des psys et ses scanners... Mais la plupart des participants n'allaient pas mourir. Ils deviendraient des adultes, comme Patrick. (Ce qui signifiait que la compétition était rude, chacun voulait non seulement vaincre le cancer, mais ses petits camarades aussi. J'ai bien conscience que c'est irrationnel, mais quand on vous annonce que vous avez, disons, vingt pour cent de chances de vivre encore cinq ans,.. vous vous livrez à un calcul rapide et vous arrivez à la conclusion que ça fait une personne sur cinq... alors vous regardez autour de vous et vous vous dites, comme toutes les autres personnes saines d'esprit : je vais gratter quatre de ces tocards.)"
Livre paru chez Nathan en section "jeunesse"


Un des participants, Augustus Waters, en voie de guérison, va tomber sous le charme de la jeune fille, en laquelle il voit le sosie de Natalie Portman. Une amitié va naître entre les deux adolescents. Chacun va amener l'autre à découvrir son univers. Si Augustus dézingue les zombies à tour de bras dans son jeu vidéo, Hazel, elle, voue une passion tourmentée à Peter Van Houten (oui, oui, c'est bien la famille du cacao), le génialissime auteur d'"Une impériale affliction". Au grand désespoir de l'adolescente, son livre de chevet s'achève en laissant maintes interrogations sur le devenir des personnages. Dès lors, Augustus converti à la Peter Van Houten mania, et Hazel vont se fixer pour objectif de connaître la fin du roman. Après des échanges épistolaires avec l'auteur, ils se rendent à Amsterdam afin de le rencontrer. Cette entrevue (très mouvementée) et ce voyage seront l'occasion pour ces jeunes adultes de vivre et de réaliser quelques uns de leurs rêves. Les événements qui suivront le retour aux Etats-Unis, seront des plus inattendus...

Il serait erroné de classer "Nos étoiles contraires" dans la catégorie "énième roman jeunesse sur le cancer écrit pour faire pleurer". C'est bien plus que cela. John Green tend habilement, en toile de fond, une gentille intrigue pour aborder sobrement des situations dramatiques, mettre en scène des personnages qui traversent (et doivent faire face) à des cataclysmes inhumains.

C'est donc un livre dense et complexe sur le courage, le rapport à la maladie, à la culpabilité et à la mort sans oublier les dégâts collatéraux que ces situations dévastatrices, extrêmes, provoquent sur les proches.

4ème de couv', trop de compliment tue le compliment !

"Nos étoiles contraires" évitent de verser dans le pathos. Les personnages de John Green sont successivement révoltés (comment pourraient-ils ne pas l'être !), meurtris, courageux, fatalistes, "Tu parles d'une guerre, a-t-il soupiré. Contre qui je suis en guerre ? Contre mon cancer ? Et mon cancer, c'est qui ? C'est moi. Les tumeurs sont faites de moi. C'est une guerre civile, Hazel Grace, dont le vainqueur est déjà désigné". Page 226

mais ils savent aussi  faire preuve de dérision, Isaac atteint d'un cancer de l'oeil... "Ce matin je suis allé à la clinique et j'ai dit au chirurgien : "Je préférerais être sourd qu'aveugle." Et lui m'a répondu "Ca ne marche pas comme ça". Et moi : "Oui, je sais que ça ne marche pas comme ça. Je disais juste que, si j'avais le choix, que je n'ai pas, je préférerais être sourd qu'aveugle." Et lui : "La bonne nouvelle, c'est que vous ne serez pas sourd." Et moi : "Merci de m'expliquer que mon cancer de l'oeil ne va pas me rendre sourd. J'ai vraiment de la chance qu'une sommité intellectuelle telle que vous daigne m'opérer." Page 25

... et d'esprit "On verse du whisky dans un verre et on convoque la pensée de l'eau, puis on mélange le whisky à la pensée." Page 193

Je n'ai pas vu le film... Est-il aussi réussi que le livre ?

samedi 6 septembre 2014

Gemma Bovery... le retour

Dans les journaux, à la radio, à la télévision, le Web,  Fabrice Luchini est partout ! Il utilise tous les supports de presse pour promouvoir son dernier film "Gemma Bovery", qui sortira sur les écrans le 10 septembre prochain**. Non, je ne vais pas vous conter la vie et l'oeuvre de ce comédien volubile mais vous parler de LA créatrice de "Gemma Bovery", la très talentueuse dessinatrice Posy Simmonds.


Après des études à la Sorbonne et à la Central School of Art de Londres, Posy Simmonds est devenue la dessinatrive vedette du journal The Guardian où justement "Gemma Bovery" est paru en feuilleton.

Elue Cartoonist of the Year en 1980 et 1981, elle est également auteure de livres pour enfants (entre autres, "Matilda", "Lulu et les bébés volants") et de "Fred", dont l'adaptation au cinéma a été nominée aux Oscars.

Posy Simmonds est aussi la créatrice de Tamara Drewe, qui a, d'ailleurs, aussi fait l'objet d'une adaptation cinématographique en 2010, avec dans le rôle titre... Gemma Aterton.

Avant de vous précipitez dans les salles obscures, lisez ou relisez "Gemma Bovery", paru aux éditions Denoël en 1999.

Excédée par l'intrusion incessante de ses beaux-enfants et de l'ex de son mari, Charlie, Gemma Bovery, décide de s'installer avec celui-ci loin de Londres, dans une charmante fermette du bocage normand. Là, elle découvre avec émerveillement et enthousiasme les charmes de la campagne française. Oui, mais le French way of life va vite avoir ses limites et l'ennui va la rattraper. Afin de fuir un quotidien trop pesant, Gemma prend un amant sous l'oeil jaloux de Joubert, le boulanger du village, qui endosse le rôle de chroniqueur de sa déchéance amoureuse.

Le lieu, le destin, le nom de l'héroïne vous rappellent sans doute quelqu'un... Posy Simmonds donne à Emma Bovary de Gustave Flaubert, une arrière petite-fille en jean et baskets, bien encrée dans son époque, avec ses moeurs, ses désirs de grandeur et ses désillusions.


Ce roman graphique est une satire des anglais middle class et de la petite bourgeoisie française. Les dessins sont tout en finesse et en détails, les personnages expressifs.

Un album entièrement

en noir et blanc.

** Rien que pour vous la bande-annonce du film... Fabrice Luchini y joue le rôle du boulanger Joubert.


Bon livre et bon film !