lundi 30 juin 2014

Connaissez-vous Titaÿna, l'aventurière des Années folles ?

J'ai toujours eu un faible (voire une admiration) pour ces personnes et personnages qui ne doutent de rien. Ceux à qui tout semble simple et accessible. Ni plus brillants, ni plus intelligents que les autres, ils ont cette capacité à ne pas douter d'eux-mêmes. A se persuader que tout est possible.

Elisabeth Sauvy-Tisseyre, alias Titaÿna, est de cette race. C'est le portrait de cette aventurière hors norme que dresse Benoît Hermermann dans son livre "Titaÿana L'aventurière des Années folles". Un livre intéressant, très bien documenté sur cette femme intrépide et courageuse... avec ses faiblesses.

Livre paru en 2011 chez Arthaud

Issue d'une famille bourgeoise en pleine déconfiture Elisabeth se passionne très tôt pour les voyages et autres expéditions. "Chacun porte en lui un petit Christophe Colomb, et le regret qu'il n'y ait plus d'Amérique à découvrir. Nourris de Jules Verne et de Jack London, nos jouets furent des sous-marins narguant "les petits bateaux qui vont sur l'eau du jardin des Tuileries". (Page 44)

Elle choisira le journalisme et l'écriture pour échapper aux convenances de son temps. Indépendante, impulsive et suffisante Elisabeth va être emportée dans un tourbillon. Tour à tour, dame de compagnie de la soeur de l'empereur du Japon, écrivaine, grand reporter (elle interviewera Mustapha Kamal Atatürk, Mussolini et Hitler), fondatrice et directrice de plusieurs magazines, elle aura mille vies.

Elisabeth a un culot monstre et ose tout ! Elle dira d'ailleurs, en toute modestie et simplicité, suite à son entrevue avec le maître de la nouvelle république de Turquie "J'étais très à l'aise. J'ai presque eu l'impression que c'était moi qui allais être interviewée"(Page 93). 
Son envie de voyages et de découvertes est insatiable... "En l'espace de trois ans seulement, Elisabeth parcourt l'Afrique, d'Alexandrie à Tananarive ; les deux Amériques, de New-York à Buenos Aires ; elle se rend une nouvelle fois au Japon, via Hong Kong et Shanghai ; elle traverse à six reprises l'Atlantique, en paquebot ou, plus remarquable encore, en zeppelin ; elle effectue une bonne dizaine de reportages ou interviews en Hollande et en Italie ; elle mène enfin un nombre équivalent d'enquêtes et de dossiers à Paris et à Berlin !" (Page 202)

Portrait de Man Ray, 1928

Son ami, Pierre Mac Orlan nous en fait une très jolie description : "J'aime la puissante humeur vagabonde de Titaÿna, parce qu'elle est curieusement humaine et qu'elle sait abandonner à temps la langueur d'un coucher de soleil sur la mer afin de gagner un but que je ne connais pas, mais pour la conquête duquel elle joue le jeu franchement. Je ne sais ce que sera l'avenir de cette jeune femme énergique et nerveuse, mais en dehors de ses dons littéraires on peut le lui prédire brillant. Pour avoir maintes fois risqué sa vie, nul ne pourra lui reprocher la moisson trop belle. Elle sait le prix des souvenirs qu'elle engrange comme du blé et son attitude dans la vie se fortifie au contact d'autres attitudes non moins exceptionnelles : celles des coureurs d'aventures qu'elle rencontra sur les trois routes contemporaines de la terre, du ciel et de l'eau". (Page 99)

En 1940, la tragédie de Mers el-Kebir va lui enlever son frère alors capitaine de navire. Elisabeth va faire les mauvais choix, incriminer, dans les journaux et sur les ondes, la terre entière. Elle va alors, comme ses amis Jean Cocteau, Corinne et Jean Luchaire, Marcel Pagnol, Tino Rossi, Sacha Guitry... fréquenter les soirées parisiennes d'Otto Abetz
Titaÿna et la tête "détournée" de bouddha d'Angkor
Photo de Man Ray, 1928
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Ses fréquentations lui seront fatales... L'heure de la Libération arrivée, elle passera une année enfermée pour collaboration.

Fin 1946, Elisabeth quitte la France en catimini pour migrer aux Etats-Unis pour continuer sa vie. Ses biens mis sous séquestre, elle partira ruinée et veuve avec trois tableaux roulés pour monnayer un nouveau départ. Elle se remariera, divorcera et décédera en 1966, seule et ruinée.

"Je n'étais pleinement heureuse qu'en pleine mer sur une coquille de noix... et j'adorais les tempêtes. Je crois que j'aurais pu faire le tour du monde, seule sur ma goélette [...] Mon grand regret est de ne pas être née cinquante ans plus tôt. L'élégance et le raffinement ont disparu [...] Ma vie aurait été différente si mon enfance avait été douce. Elle ne l'a pas été". (Page 319)

Si d'aventure vous vous égarez à San Francisco, rendez-lui visite au Golden Gate National Cemetery de San Bruno, vous trouverez une petite pierre tombale dédiée à cette grande aventurière... En attendant je vous recommande très vivement la lecture de ce formidable livre !

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